Parmi les sous-genres du Black metal, il en est un qui fait moins l’objet de critiques tant il se développe au-delà de nos ressentis et qu’il parvient à se régénérer à travers les époques ; c’est le black atmosphérique dit « dépressif ». Pourtant, l’on pourrait se dire qu’il n’y a rien de neuf à ce que des artistes expriment un mal être sur les notes qu’ils sortent de leurs tripes. Là où l’intérêt se pose, c’est la manière avec laquelle ils le font. Le détour par les Français de Suicidal Madness est recommandé à tout lecteur ayant une accroche généraliste du metal car exprimer des souffrances, nous l’avons compris, c’est une chose, mais, en 10 ans d’existence, tels des alchimistes, nos voisins ont démontré de solides capacités à transmuter la sombre matière. Suicidal Madness, c’est désormais un quintet qui fête 10 années d’existence et surtout, qui procède à un relifting de réalisations passées à travers un excellent E.P., « Vestiges d’une ère ». Pour en parler avec Metal’Art, Psycho, une des chevilles ouvrières du groupe, n’hésite aucunement à livrer ses états d’âme.
Bonjour Psycho, tout d’abord, comment vas-tu en cette période assez compliquée pour le commun des mortels ? Assez bien merci, malgré les hauts et les bas que l'on rencontre tous depuis de longs mois maintenant, j'arrive plus ou moins à garder une certaine stabilité émotionnelle, ce qui m'empêche de trop sombrer. Mais le moral prend quand même un coup, il faut bien l'avouer, je survis surtout grâce à la musique, en restant extrêmement productif et aussi grâce à la famille, les amis... Je crois que sans tout ça j'aurais déjà clairement perdu pied.
Mine de rien, en tant que guitariste, les années s’écoulent et ton expérience se capitalise toujours plus. En tant que musicien, que ressens-tu dans ton évolution personnelle ? Savoir que l'on évolue est toujours très gratifiant. C'est ce qui nous pousse à continuer et à toujours vouloir aller de l'avant, afin de s'améliorer encore et encore. Je pense que c'est pareil pour chaque musicien, cette quête de l'amélioration perpétuelle. Mais au-delà de ce côté, il y a surtout le plaisir de créer, c'est même l'aspect le plus important pour moi, qui passe même avant l'évolution personnelle. Car comme je le disais dans la réponse précédente, composer m'aide énormément, la musique nourrit mon âme et m'apaise et avec le temps je me rends compte qu'elle fait de plus en plus partie intégrante de ma vie. Créer est devenu comme une drogue dont je ne peux plus du tout me passer.
Avec ce groupe qui t’est manifestement cher, Suicidal Madness, vous avez fait une sorte d’état des lieux de vos premières productions, avec de nouvelles forces à vos côtés, Nekros à la basse et Frakkr à la batterie. Que peux-tu constater au niveau de leur apport sur les titres que vous avez eu l’occasion de créer jadis ? Nekros étant à la base notre bassiste live, il a apporté ses propres lignes, c'est ce qui a ajouté une autre couleur et une autre profondeur aux morceaux. Habituellement, c'est Alrinack qui s'occupe de ce rôle sur les albums, mais pour le coup nous avons réenregistré les morceaux tels que nous les jouions sur scène. Jusqu'à maintenant, nous avions toujours eu recours à une batterie programmée sur nos albums et Frakkr est maintenant notre batteur depuis 2017. Pour l'anecdote, nous avions l'intention déjà pour notre troisième album, d'enregistrer avec lui malheureusement ça n'a pas pu se faire, et nous avons dû une fois encore recourir à la programmation. Cette fois-ci, les choses furent différentes et nous avons pu enfin enregistrer tous ensemble. Évidemment cela change du tout au tout, il a apporté sa propre patte et cela se ressent fortement comparé aux anciennes versions. La combinaison de leurs deux jeux respectifs accouplés aux nôtres a fait que ces anciens morceaux ont eu droit à un nouveau souffle, une seconde vie.
Qui a eu l’idée de sortir un EP d’anniversaire des 10 ans ? Par-delà les sempiternels clichés, en quoi est-ce important symboliquement de fêter votre entité musicale ? L'idée vient de moi à la base, les autres ont bien sûr tout de suite approuvé. 10 ans ce n'est pas rien dans une vie, et au bout de cette décennie nous avons écrit, si l'on peut dire ainsi, le premier chapitre de notre histoire. Une page se tourne et avec notre prochain album nous allons clairement franchir un nouveau cap en termes d'évolution. C'était donc important pour nous de marquer le coup en faisant une rétrospective de notre première période avant de passer à la suite.
Avez-vous eu des retours quant à cette petite galette « Vestiges d'une ère » ? Si oui, de quels types ? Qu’est-ce que les auditeurs trouvent dans votre univers ? Les retours sont pour le moment très positifs, les différentes chroniques que l'on reçoit sont vraiment très bonnes et cela fait extrêmement plaisir. Je pense que ceux qui apprécient notre musique se retrouvent dedans tout simplement. Après, ça reste très difficile de me mettre à leur place, chacun perçoit la musique à sa manière et tout le monde n'a pas la même sensibilité. Mais j'imagine qu'il y a quelque chose de cathartique pour eux tout comme pour nous.
En pensant à tes compères, pourquoi vous être orientés vers le style du black atmosphérique à énergie dépressive ? Aviez-vous chacun des références sacrées selon vos goûts ? En fait, ça s'est fait tout naturellement. Nous ne nous sommes jamais dit qu'il fallait le faire, cela s'est imposé tout seul, au fil des albums. Nous avons beaucoup de goûts assez variés et différents au sein du groupe et je pense qu'à un moment ou un autre nos influences doivent ressurgir et déteindre un peu sur notre musique. Mais on ne cherche jamais à sonner comme tel ou tel groupe, tel ou tel style...
Est-ce que ça te choque si je te dis que je ne trouve pas vraiment votre art pathogène, mais plutôt capable de transcender les brumes des souffrances diverses ? Non, je suis assez d'accord avec toi, dans le sens où ça aurait comme une sorte d'effet thérapeutique. C'est là où j'en reviens au côté cathartique de tout ça. Pour nous, ça nous permet d'évacuer nos souffrances internes, c'est en composant que l'on évacue. Mais on n'est absolument pas dans la complainte et l'apitoiement de soi, on essaie plutôt de, comme tu le dis, transcender cette souffrance, la dépasser et même la sublimer pour qu'au final elle devienne une certaine forme d'art à la manière de nos plus grands poètes maudits qui écrivirent de magnifiques poèmes emplis de spleen, nous c'est au travers de notre musique que l'on s'exprime.
Quel regard portez-vous sur votre carrière ? Y aurait-il des rêves que vous souhaitez accomplir ensemble ? Nous sommes plutôt fiers du chemin parcouru, malgré des débuts assez difficiles, nous avons su au fil des années trouver notre propre voie, évoluer également au gré des albums et avons même eu quelques belles occasions, comme partager la scène avec Nocturnal Depression, Wolves in the Throne Room, Wiegedood ou encore Gorgon. Si on me demande si en créant le groupe en 2010 je pensais que cela pouvait se produire un jour, je n'y aurais jamais cru. Et j'espère que les choses vont continuer en s'améliorant encore. On aimerait beaucoup pouvoir se produire plus sur scène, dès que cela redeviendra bien sûr possible pour tout le monde, jouer à l'étranger par exemple... On verra bien ce que l'avenir nous réservera...
Question difficile que je te pose, mais j’y tiens, selon toi, si tu devais dégager un titre de toute votre œuvre, représentant bien votre essence commune, quel est-il ? En effet, le choix est assez difficile à faire, chaque album, ainsi que chaque morceau à une histoire, un vécu propre. Mais je vais jouer le jeu et je vais choisir le morceau "Les larmes du passé", ce morceau qui figure à la base sur l'album du même nom sorti en 2015, et que l'on a réenregistré justement sur notre dernier EP "Vestiges d'une ère" est sûrement le morceau où l'on plane le plus lorsque nous le jouons, que ce soit entre nous en répète ou que ce soit sur scène, il se passe toujours quelque chose de particulier, une sorte de symbiose totale qui nous met limite en transe. Cela est sûrement dû à son côté lancinant et hypnotisant. Même si bien sûr beaucoup de nos morceaux ont ce côté léthargique. Mais celui-ci dégage quelque chose de vraiment unique. Il représente le mieux l'essence même du groupe.
Je te laisse le mot de la fin pour nos lecteurs. Qu’as-tu envie de leur dire ? Tout d'abord merci à toi pour ce moyen d'expression et pour l'intérêt que tu nous portes. Je tiens également à remercier tous ceux qui nous soutiennent, c'est ce qui nous permet de continuer. Un grand merci donc à tous !
Pour son troisième album, « Beyond The Shores », les Italiens de Shores Of Null proposent un seul morceau de 38 minutes. Ce titre est une longue plongée dans la souffrance humaine, qui noie l’auditeur dans les eaux sombres d’un doom racé, teinté de sonorités black. On peut donc habiter sous le soleil romain et sonner comme les groupes anglais qui ont fait la renommée de Peaceville. Le chanteur Davide Straccione nous guide dans les ténèbres.
« Shores of Null » est un nom qui me paraît étrange. D’où vient-il ? J’étais à Budapest quand cette idée m’est venue. Je me rappelle que j’avais le mot « Shores » (rivages) en tête depuis un petit moment quand j’ai vu cette statue en forme de zéro près du Danube (il s’agit de la pierre du zéro kilomètre, « Zero Kilometre Stone », ndt). C’était un signe. J’ai pensé à « Null » (zéro), en Allemand : ce serait bien de mélanger deux langues. En anglais aussi, ce nom avait un sens (« Rivages des Invalides »). Il n’y avait rien d’autre qui portait ce nom, ce qui était parfait pour un nouveau groupe.
Votre line-up est stable depuis 2013. Une telle stabilité est rare. Quel est votre secret ? Nous aimons ce que nous faisons et nous travaillons dans un environnement amical et décontracté. Nous prenons le groupe au sérieux, mais nous savons aussi quand il faut rire et relâcher la pression. En outre, notre amitié a des racines bien plus profondes que le groupe lui-même.
« Beyond The Shores » est composé d’une seule chanson. Pourquoi ? C’est un choix courageux au regard de la mentalité actuelle marquée par la superficialité. Je pense que nous avons pris un gros risque, mais, heureusement, nos fans comprennent totalement notre démarche… et nous avons aussi gagné de nouveaux fans. Nous avons ressenti la nécessité de faire quelque chose de différent, d’explorer davantage encore les aspects les plus sombres et tragiques de notre musique.
Vos paroles sont inspirées du livre « On Death And Dying ». Quels sont les thèmes de cet ouvrage ? Les paroles sont en rapport avec les cinq niveaux de la douleur, qui ont été formulés par la psychiatre suisso-américaine Elisabeth Kübler-Ros dans son livre paru en 1969. Il traite du rapport à la mort des patients en phase terminale, du moment où ils découvrent leur maladie à celui où ils acceptent leur destin. Les cinq étapes sont le Déni, la Colère, la Négociation, la Dépression et l’Acceptation. Elles sont, toutes les cinq, abordées dans nos paroles, jamais de façon successive, mais en étant entremêlées, comme dans la vraie vie.
Peux-tu nous dire quelques mots sur les invités présents sur « Beyond The Shores » ? Bien sûr ! Dès que j’ai entendu la chanson pour la première fois, j’ai pensé que j’aurais besoin d’aide. Non que je croie être découragé par ce projet, mais parce que je voulais mener une expérience chorale et ajouter des strates différentes avec des interprétations différentes. Les noms de Mikko Kotamäki (Swallow The Sun) et Thomas A.G. Jensen (Saturnus) me sont venus assez naturellement, car leurs growls distinctifs collaient parfaitement avec la chanson. Nous les avons invités à Rome et avons passé plusieurs jours ensemble, entre le studio, une bière et une carbonara. Elisabetta Marchetti est la première chanteuse que nous accueillons. Elle est une vocaliste très douée et chante dans le groupe Inno. Il y a aussi une partie avec des cris extrêmement aigus de Martina L. McLean de Sanda Movies, la femme de notre guitariste Gabriele qui est derrière nos vidéos, dont celle de « Beyond The Shores ».
D’où vous est venue l’idée d’utiliser des instruments « classiques », comme le piano ou le violon ? C’est un hommage au Gothic Doom des années 90, un genre qui nous a inspirés à nos débuts. Nous voulions aussi marquer une différence avec nos deux disques précédents, qui avaient une approche plus standard. Ces instruments nous permettent d’atteindre une toute nouvelle profondeur.
Le Doom, comme tu viens de le dire, est l’âme de votre musique, même si l’apport d’autres genres est perceptible. Quels groupes vous ont influencés ? Il est évident que le Doom Metal est notre grande influence, surtout sur « Beyond The Shores ». My Dying Bride, Paradise Lost, Kauan, Swallow The Sun, Saturnus, Warning nous inspirent, tout comme Sentenced, Katatonia, Anathema, Primordial, Enslaved, Opeth, Iron Maiden.
Allez, petit jeu, tes trois albums de Doom préférés ! Question difficile… Ces trois albums peuvent changer selon les moments, mais là, maintenant, je dirais : « Watching From A Distance » de Warnong, « Turn Loose The Swans » de My Dying Bride et « Forest Of Equilibrium » de Cathedral.
« Beyond The Shores » est illustré par un clip magnifique. Comment l’avez-vous réalisé ? Nous n’étions pas sûrs de faire une vidéo pour « Beyond The Shores ». Sa longueur, clairement, était un obstacle, mais faire un clip pour juste un passage du morceau ne nous attirait pas. Nous avons finalement décidé de nous lancer dans une vidéo de tout l’album. C’est quelque chose qui n’avait encore jamais été tenté par aucun autre groupe. Le résultat nous satisfait extrêmement. Je dois remercier Martina et l’équipe de Sanda Movies pour ce travail incroyable. Quelques-uns des lieux où le film a été réalisé me sont très chers. La vidéo a été tournée en trois jours, en novembre 2020, durant la pandémie. Nous flânions à travers des montagnes, des forêts, des châteaux et des cimetières.
Une tournée est-elle prévue, quand ce sera possible ? La Belgique sera-t-elle au programme ? Étant donné la situation actuelle, il est difficile de planifier quoi que ce soit, mais nous n’en pouvons plus d’attendre de présenter « Beyond The Shores » en live. À coup sûr, la Belgique ne sera pas oubliée… quand il y aura une opportunité.
Olivier Verron n’est pas seulement le leader du groupe de Black Metal Temple of Baal, et le guitariste / chanteur de Conviction. C’est aussi un homme dont la passion pour la musique l’a amené jusqu’à la Sorbonne pour étudier cet art qui nous fait tant rêver. Le temps d’une interview, Olivier nous raconte comment un concert de Cathedral a fait germer une idée en lui, une idée qui s’est transformée en rêve, puis qui est devenue une réalité. Passion, abnégation, intelligence, streaming, Queen et Doom Metal, voilà ce qu’il vous attend dans cette longue et passionnante entrevue.
Olivier, peux-tu nous expliquer comment est né ce projet, Conviction ? Ce projet est né en plusieurs temps. Je découvre le Doom Metal vers 1994/1995, lorsque je reviens en France après plusieurs années passées à l’étranger. C’est à ce moment-là que je plonge dans le Metal underground, jusque-là j’en écoutais, mais du plus traditionnel avec Metallica et Iron Maiden, par exemple. Après une période Death Metal, je tombe sur le Doom et notamment sur Cathedral, que je vois sur scène lors d’un concert où il y avait à l’affiche Deicide et Brutal Truth. Je m’intéresse immédiatement à eux, et dans le livret d’un de leur album, il y a une longue liste de groupes qu’ils remercient, ce qui m’aide à creuser le genre puisqu’il y a des noms comme Saint Vitus et Pentagram. Même si j’écoutais des formations émergentes dans les 90’s qui avaient un style plus Doom/Death comme My Dying Bride, c’est vers le Doom à l’ancienne que j’ai naturellement été porté. À ce moment, l’envie de monter un groupe dans ce style me vient, sauf qu’aucun musicien n’est intéressé, ils sont tous branchés Death ou Black au mieux du Doom/Death, mais pas celui que j’ai envie de jouer : le Doom old school. Chemin faisant, j’ai monté mon groupe de Black Metal, Temple of Baal, tout en gardant dans un coin de ma tête que le moment se présenterait forcément un jour de jouer du Doom à l’ancienne.
Au final, tu as été patient et ça s’est fait… Exactement. En 2013, un matin, j’ai branché ma guitare et sur une journée j’ai composé et enregistré la démo de Conviction. J’ai mis en ligne la démo sur Bandcamp, uniquement en format digital, les retours ont été très bons d’ailleurs. J’ai ensuite publié un peu plus tard un deux titres, toujours sous forme de one-man-band. Le tournant a été le projet tribute à Cathedral initié par la scène française, mais ça m’embêtait d’enregistrer un titre pour ce tribute sans un vrai batteur. Après quelques recherches, Rachid Trabelsi me contacte en me disant qu’il est très intéressé, de là je me dis autant monter un groupe complet d’autant que je voulais jouer live, j’ai fait appel à deux vieux amis, qui sont des musiciens extraordinaires, Frédéric Patte-Brasseur et Vincent Buisson et le line-up de Conviction est né autour d’un barbecue entre potes.
Pour réussir un album aussi bon et ancré dans l’esprit Doom old school, faut-il forcément avoir une vraie culture du style ? Oui je pense, ce groupe est issu de ce genre et qui plus est de la vieille école. C’est différent de ce que propose la scène actuelle avec un Doom orienté Stoner, ma culture du style vient des vieux groupes, je peux citer comme ça Count Raven, les premiers Cathedral, ou les groupes de l’écurie d’Holy Records avec Serenity ou Godsend, par exemple. J’ai énormément écouté "Forest of Equilibrium", qui est un peu la genèse de Conviction comme "A Blaze in The Northern Sky" est celle de Temple of Baal. J’ai écouté pas mal de groupes très underground, qui restent encore inconnus malheureusement maintenant.
Comment est né le son de Conviction ? J’ai pris une habitude qui est de chercher des sons, de les travailler avec mon matériel. Pour Conviction, j’avais un son en tête, Frédéric Patte-Brasseur également et on a conjugué les deux pour obtenir le résultat. Je travaille beaucoup avec du matériel de la marque Orange qui est connu dans le milieu du Doom et du Stoner. On a trouvé la bonne combinaison avec les amplis et la pédale d’effet Fuzz Big Muff et du matériel Laney singature Tony Iommi, le tout passe dans un Two Notes Torpedo qui est un simulateur d’enceintes et de micro de grande qualité. On cherchait un son à la fois brut et à l’ancienne, pas un truc cliquant comme il se fait beaucoup aujourd’hui, on voulait un son proche du live, c’est pour ça qu’on l’a traité au minimum. Le but en somme a été d’avoir un son un peu moderne, mais très influencé par celui de Tony Iommi notamment celui des années 80, ce qui dans l’absolu ne sont pas compatibles au départ. Quand tu as passé une grande partie de ta vie à faire de la musique, que tu possèdes du matériel, que tu le connais, tu sais quelles combinaisons sonores associées pour obtenir ce que tu veux.
Est-ce qu’il y a un thème en particulier qui se dégage dans l’album ? C’est ce qu’on peut imaginer quand on constate la forte identité du groupe. Je pense qu’on peut parler d’identité visuelle surtout. La pochette de l’album a été réalisée par Kax, elle a redessiné la photo d’une statue qui se trouve dans la collégiale de Gisors, cette statue représente un habitant de la ville au 16e siècle. Quand j’ai visité cette église j’ai été frappé par cette statue et l’expression du visage. Au-dessus, il y a un texte et une expression en particulier qui dit « fay maintenant ce que voudras avoir fait quand tu te mourras ». Cette expression m’a réellement frappé et a contribué à donner naissance à Conviction, ce visage fait partie de l’identité du groupe, il sera peut-être réutilisé par la suite, sous quelle forme, je ne sais pas, mais je pense qu’il sera toujours là. En ce qui concerne les morceaux, il n’y a pas de liens directs, je les ai écrits et utilisés pour la démo puis j’en ai ajouté deux de plus pour l’album. C’était important pour moi que ces morceaux soient réenregistrés et présents sur l’album, certains diront qu’on ne s’est pas foulé, mais quand tu retournes dans un passé pas si lointain, c’était la coutume de réenregistrer les démos pour la sortie du premier album. Metallica l’a fait, pourquoi pas nous. Les paroles sont quant à elles inspirées d’émotions très sincères que tu ressens au cours de ta vie. Le titre "Outworn" parle d’une histoire personnelle où un matin je me suis regardé dans un miroir et j’ai pleinement réalisé que je n’avais plus 20 ans, ce sentiment est commun à beaucoup de personnes, j’imagine. On grandit, on vieillit, on murit, on vit en croyant toujours avoir 20 ans puis un jour tu t’aperçois que non, ça peut mettre une grande claque. Je compose souvent sous le coup de l’émotion, si tu lis les paroles attentivement tu verras que des choses peuvent correspondre, en les réinterprétant, à des moments de ta vie.
Tu n'as pas hésité à traiter de sujets intimes, en somme ? Oui, c’est vrai. Pour rappel, la démo a été enregistrée en une seule journée, en une fois. Les deux morceaux supplémentaires ont demandé eux, plus d’élaboration et cela s’entend avec l’ajout de chœurs par exemple. Mais oui, j’y exprime des choses personnelles que je n’ai pas envie de développer et tu le comprendras sans peine, mais ces sentiments peuvent être partagés par une multitude de gens. Probablement passé un certain âge, mais pas seulement, il y a de jeunes personnes qui ont un parcours de vie puissant, fort, triste, et qui interprèteront les textes à leur manière puisque ce sont des émotions humaines ! J’ai cette réelle impression que ces textes parlent d’eux-mêmes et c’était le but.
Tes parties vocales sont étonnantes également. Quand on connait ton registre dans Temple of Baal, on ne peut qu’être surpris, tu avais déjà utilisé ce style de chant ou tu l’as travaillé ? Plus jeune, quand j’étais étudiant en musicologie, je faisais partie du chœur de la chorale de la fac à la Sorbonne, j’étais pupitre de basse et j’ai beaucoup bossé ma voix en chœur. Mais tout ça remonte à longtemps, même si dans mon esprit tout ça c’était hier. J’ai énormément travaillé ma voix durant cette époque et je suis passé pendant une vingtaine d’années quasi uniquement sur du chant Black Metal, qui tu en conviendras n’est absolument pas la même utilisation de la voix. Le placement n’est absolument pas le même sur du Doom que sur du Black Metal, il m’a fallu un peu retravailler ça, mais les prises définitives de l’album de Conviction se sont faites de manière spontanée, je me suis remis dans les conditions exactes que pour celles de la démo. J’étais seul face au micro, j’ai fait le boulot et j’ai envoyé le résultat à Fred pour qu’il mixe. Je concède que ma voix a des imperfections, les profs de chant me diraient qu’il faut retravailler pas mal de trucs, mais j’ai fait ça avec mon feeling, mes tripes, en exprimant des sentiments sincères. Du reste, il n’y a pas que ma voix, nous avons également mis des chœurs, tentés des choses, sur le dernier titre Fred à fait remonter ses influences du guitariste de Queen, Brian May, ponctuellement, on a des parties à quatre voix. Fred a une sacrée formation musicale qui a permis de faire des choses intéressantes.
L’album est sorti sur Argonauta Records, un label connu pour ce genre de productions, c’était un choix délibéré ? C’est un choix de ma part, je suis le travail de ce label, j’ai discuté avec des musiciens signés chez eux et tous m’ont dit qu’ils y sont bien. C’est un label qui travaille bien, qui ne fait pas de promesses qu’il ne peut pas tenir, qui dit les choses franchement. Je voulais vraiment signer avec une structure qui connait le Doom et tout le circuit qui va avec pour la promotion. Les choses se sont passées rapidement et simplement, j’ai envoyé la démo au boss d’Argonauta Records, le lendemain il me répondait qu’il sortirait l’album quand il serait prêt, sans mettre de pression. Jusqu’ici tout va très bien, s’il y a un deuxième album, ce que j’espère, il sortira également chez eux. Mais pour l’instant je profite des bons retours, et Argonauta Records également qui est très proche de nous.
Quel regard portes-tu sur l’industrie musicale actuelle ? Entre ventes physiques, digitales et plateformes de streaming, où se situe l’avenir selon toi ? Je pense qu’il y aura un mixe de tout ça, tout simplement. Cela dépend des styles musicaux néanmoins, dans le Metal une majeure partie de l’auditoire sera toujours intéressée par le physique, du moins c’est ce que je pense. Notre album se vend très bien, nous avons même des demandes pour une sortie sur support vinyle. Maintenant de mon expérience personnelle, je sais que les jeunes ne sont pas attirés par le physique, ils se tournent vers le streaming et spécifiquement YouTube ! Le problème, on le connait tous : la rémunération des artistes par les plateformes, aujourd’hui ce n’est plus un secret, la plus grosse part du gâteau, ce n’est pas les artistes qui la touchent. Les gens passent beaucoup de temps devant leur ordinateur, que ce soit au travail ou chez eux, et forcément ils écoutent de la musique de cette façon, c’est un fait, une réalité, a va être difficile de changer ça sauf si les plateformes font faillite ou qu’il y ait une implosion du système informatique mondial, ce que je ne souhaite pas, ce serait une drôle d’apocalypse. Le streaming a de beaux jours devant lui, notamment sur certains styles musicaux. J’ai vu un clash entre deux artistes de variétés, l’un de l’ancienne et l’autre de la nouvelle génération, et l’artiste de la nouvelle génération ne comprenait pas que l’ancien soit là, lors d’une émission pour recevoir un prix. Ce que cet artiste ne comprenait pas, c’est qu’il existe des ventes physiques, des concerts dans des salles et pas seulement un classement du streaming ! C’était hallucinant. La musique mainstream résonne en termes de classement streaming, elle ne vend quasiment rien en physique, mais ce n’est pas gênant parce que dans leurs stories Instagram ou autres, elles font du placement de produit. Ou alors les vrais artistes ouvriront leur propre plateforme, une dédiée à eux uniquement et toucheront tous les droits. Mais tu te vois t’abonner à 10 ou 20 artistes par mois, franchement ? Mais retenons que pour le Metal, le physique reste important, même s’ils écoutent de la musique sur les plateformes, ça ne les empêche pas d’acheter des disques.
Pour conclure cette interview, je vais te poser une question plus personnelle. Tu n’écoutes pas que du Metal, je sais que tu adores le vieux Rock, les grandes pointures comme Queen par exemple. Une époque formidable, pas vrai ? Mais Queen au Live Aid ou à Wembley en 1986, c’est magique ! C’était 4 mecs, 4 mecs pour un stade plein à craquer et un spectacle de dingue pour l’époque. Attention, c’était des musiciens incroyables, puis Freddie Mercury au-delà de ses capacités vocales emmenait le public avec lui par un simple geste, il le tenait, tu t’imagines toi tenir 80.000 personnes, comme ça ? Il avait un magnétisme très spécial. Queen et d’autres comme Led Zepplin, sont des géants de l’industrie musicale, une époque faite de gigantisme, c’était incroyable. J’ai vu au début des années 90 Metallica ou encore les Guns N’Roses dans des stades, au milieu d’une foule énorme. Imagine les musiciens sur scène, comme ça doit être fort pour eux ! Peut-être qu’au bout d’un moment ça devient un moment « normal », mais moi quand je voyais ça, je voulais devenir musicien forcément. Cette époque est un peu révolue malheureusement, la faute au streaming, à internet, au téléchargement… je ne sais pas trop, mais cette époque était formidable.
Machine de guerre de Fabban qui mène le navire depuis presque trente ans maintenant, Aborym a eu l’occasion de changer son fusil d’épaule maintes fois, jonglant entre les genres et les influences, pour proposer des albums jamais réellement analogues. Un peu plus black au début, et épousant aujourd’hui l’indus de manière plus franche, les Italiens sortent des carcans pour faire ce qu’ils veulent, et c’est peut-être pas plus mal ! Rejoint aujourd’hui par trois comparses puisque débordant de la furieuse envie de reprendre les concerts, le très prolifique Fabban a accepté de nous parler de cette dernière sortie, initialement prévue pour 2020, en compagnie du petit nouveau Tomas Aurizzi.
Bravo pour ce nouvel album les gars ! De ce que j’ai pu lire, “Hostile” est supposé être votre album le plus éprouvant jamais sorti, et même votre magnum opus ! Est-ce que vous pourriez spécifier ce que cela veut dire? Qu’est-ce qui change sur ce nouvel album? Qu’est-ce qui lui donne les mérites d’être qualifié de “Magnum Opus” après près de vingt ans de carrière et de sorties?
Tomas Aurizzi : Merci, cela fait plaisir à entendre. Je pense que ce qui rend “Hostile” différent de nos travaux précédents est qu’il a été composé avec la contribution active de chacun des membres du groupe. Même si j’ai personnellement rejoint le groupe alors que l’album était en préparation, j’ai eu la chance de glisser quelques idées aussi. Et surtout, Fab a partagé sa longue expérience avec nous, et pas seulement en termes musicaux, mais aussi en termes de production. Sa plus grande prouesse était de parvenir à faire évoluer le groupe en nous laissant échanger des idées pendant l’écriture de chaque chanson. Personnellement, je pense que c’est l’album le plus complet auquel j’ai eu la chance de participer, et j’en suis très fier. Doit-il être considéré comme notre Magnum Opus? Notre but est de toujours placer la barre plus haut, de notre propre façon, par le biais de l’expérimentation et de la combinaison d’idées, et surtout de toujours chercher à améliorer la qualité de notre musique.
De façon similaire, j’ai également lu que vous parliez de votre son comme d’un “étrange mix kaléidoscopique” et même que votre objectif était de faire de la musique “qui n’avait jamais été entendu auparavant”. Comment atteindre de tels objectifs d’une façon qui reste cohérente et agréable à l’oreille? Comment produire un album entier, avec quatorze chansons, sur ce principe?
Tomas Aurizzi : C’est ce qui est génial avec l’expérimentation et la musique, que l’on retrouve dans d’autres activités créatives ou culturelles, et qui forme donc la base de notre travail. Si ce ressenti paraît “kaléidoscopique”, cela nous convient, et on ne l’entend pas souvent décrit de la sorte ! On cherche uniquement à exprimer nos émotions et notre bagage artistique. On trouve cela bien de prendre des risques en abordant l’art, de créer quelque chose d’inattendu et de sortir de notre zone de confort. D’oublier, d’abandonner les vieux patterns dont nous avons pris l’habitude.
Je l’ai peut-être halluciné, mais ce sont bien des influences grunge que j’ai entendues sur certaines chansons? Bien sûr, le metal industriel et le grunge sont des genres contemporains. Mais malgré tout, est-ce que cela fait partie de ce fameux “kaléidoscope”?
Tomas Aurizzi : Oui, j’adore le feeling du rock et du grunge des années 90. Tu n’as pas halluciné, et nous allons certainement conserver ce feeling dans nos futurs projets d’une façon ou d’une autre ! Mais il ne faut pas s’attendre à ce qu’on devienne un groupe de grunge non plus. À vrai dire... Je ne sais pas moi-même à quoi m’attendre, et c’est ça qui est beau ! J’aimerais d’ailleurs rajouter quelques mots vis-à-vis de ce son kaléidoscopique : nous ne sommes pas entrés en studio avec l’idée de produire une sonorité particulière. On a simplement joué ensemble, rassemblé nos idées et partagé nos expériences... avant de mélanger le tout !
J’ai cru comprendre que cet album a aussi connu un changement de line-up assez important. Vous étiez quatre en studio, avec l’arrivée de Tomas et aussi, si je ne me trompe pas, la première fois où Gianluca joue un tel rôle dans l’enregistrement d’un album. Comment était-ce d’enregistrer avec quatre têtes et huit mains cette fois? Qu’est-ce que cela a apporté? Était-ce plus facile ou difficile?
Tomas Aurizzi : Ah ! Il faut alors revenir à la première question vis-à-vis de cela, lorsque nous abordions la capacité de Fabban à nous coordonner au sein du groupe. Ce n’était pas difficile pour nous d’être dans cette situation, c’était assez naturel et si ce n’est nos expériences respectives qui différaient, on était tous invité à apporter sa pierre à l’édifice par notre technique. On a chacun un studio à domicile, ce qui permettait d’accélérer et surtout de préserver tout le processus créatif. Partager un album avec ces trois autres gars représente vraiment ma meilleure expérience musicale jusqu’à présent ! Leur professionnalisme est impeccable et nous avons travaillé main dans la main avec notre ingénieur du son Andrea Corvo (que l’on perçoit comme un “cinquième membre” du groupe). Il a collaboré avec nous depuis le début du processus d’écriture, jusqu’à l’enregistrement bien sûr. Sans parler de l’aide précieuse de Keith Hillebrandt, notre producteur.
Quel élément a poussé ce changement de line-up, si longtemps après la création du groupe? Comment votre collaboration a pris forme?
Tomas Aurizzi : De ce que j’en sais, Fab voulait ramener Aborym en live, ce qui nécessitait d’avoir un line-up plus stable. Quand j’ai rejoint le groupe, il avait déjà entamé ce processus de “reconstruction” en incorporant Kata, notre batteur, et un bassiste. Maintenant, nous avons trouvé cette alchimie entre nous tous, et même si nous venons de sortir un album, nous sommes impatients de nous remettre au travail avec les autres.
Quelques mots peut-être à propos de la vidéo qui accompagne le single “Horizon Ignited”? Elle a une iconographie très abondante ! J’ai remarqué les références évidentes à la religion, et ce que je suppose être des scènes de la Chine pendant la pandémie. Quelques références à la drogue et aux médias, avec des gens qui “dévorent” littéralement ce qu’ils voient... On dirait qu’il y a beaucoup à digérer ! Quel est le message global du titre? En prenant en compte autant les paroles que le clip, je dirai que le titre nous invite à reconsidérer ceux que l’on doit blâmer pour ce que nous sommes en train de vivre. Mais je me trompe peut-être?
Fabban : J’ai essayé d’aborder ces sujets délicats avec une approche surréaliste, presque “lynchienne”. Je ne cache pas que mon but était d’instaurer une ambiance dérangeante, marginalisante... De la même façon que le font les films de David Lynch. Cette chanson parle de l’absence de Dieu lorsque les gens font appel à lui. Et d’une certaine façon, l’apparition de la pandémie pendant que je préparais le clip qui accompagne le morceau était presque prophétique. Je pense que toute la mythologie entourant la religion est absurde. Je pense, je crains même que cela ne soit qu’une histoire, presque un conte de fées, que l’humanité a imaginé pour se rassurer face à la peur de la mort. Le message est aussi simple que cela, et la pandémie représentait le terreau parfait pour marteler le message à grands coups d’images et de visuels. Les gens demandent de l’aide à Dieu lorsqu’ils souffrent, lorsqu’ils ont peur et les personnes les plus fragiles réagissent avec colère et désespoir lorsque leurs prières ne sont pas entendues. Certaines se tournent alors vers l’athéisme...
Vous semblez avoir une tendance à trouver des noms insolites, à la fois pour vos chansons, mais aussi vos albums ! Il y a bien sûr votre premier jet “Kali Yuga Bizarre” ou encore “Psychogrotesque”. Sur ce dernier album, on trouve les titres “Lava Bed Sahara” ou “Magical Smoke Screen”... Comment trouvez-vous ces noms étranges? Est-ce que vous voulez guider la représentation de vos auditeurs?
Fabban : En fait, tout est accidentel... Surtout lorsqu’il s’agit de trouver les titres des chansons. “Lava Bed Sahara” a été écrite lorsque j’étais en Afrique il y a quelques années. J’ai eu l’opportunité d’arpenter une partie du désert avec ma femme et quelques guides locaux, et j’ai alors gribouillé quelques phrases sur un bout de papier. J’étais fasciné par l’étendue du Sahara et en même temps effrayé à l’idée de devoir le traverser. C’est une chanson qui peut être interprétée sous le thème de l’immigration, un domaine qui m’est cher. Chaque jour, des milliers de gens entament un trajet périlleux afin de trouver un refuge, une protection dans un pays qui voudra bien les accueillir. Que ce soit causer par la faim, la persécution, la violence... Ils laissent tout derrière eux pour arpenter des routes illégales et dangereuses à la recherche de sécurité. Certains n’arrivent jamais à leur destination. Pour “Magical Smoke Screen”, on retourne vers Lynch, et cette fois les paroles furent écrites en utilisant la technique du “cut-up” si cher à William Burroughs. Cette technique littéraire permet aux écrivains d’emprunter la technique du collage, utilisée par les peintres notamment. D’une certaine façon, pour ce titre, on l’a réactualisé tout en s’assurant que cela reste cohérent pendant le processus d’écriture.
Malgré une petite pause en 2020, vous avez été très productifs ces dix dernières années ! Sept albums si je ne m’abuse, avec notamment “Something For Nobody” qui est divisé en trois. Comment maintenir un tel rythme? Qu’est-ce qui vous a poussé à produire autant de contenu? Avez-vous eu un éclair de génie?
Fabban : Je suis hyperactif ! J’ai la chance de pouvoir dire que les dernières années ont été productives. J’ai été co-producteur avec Keith Hillebrandt sur la cover du titre “Maneater” de Nelly Furtado par le groupe “Digitalis Purpurea”. Puis j’ai effectivement fait les trois “Something for Nobody”, qui est une sorte de trilogie présente en édition limitée sur vinyle. J’ai composé la musique du film “Quid” et bien sûr plusieurs albums entre tout ça... Il faut dire que je vis à cinq minutes du studio où nous composons et commençons les préproductions avec Aborym. Dès que j’ai une idée, je vais directement la fixer en studio pour ne pas la perdre. Ainsi, chaque chose peut se mettre très rapidement en place.
Question un peu bête, mais pourquoi avoir sorti l’album “Shifting.Negative” entre deux albums de la trilogie “Something for Nobody”? Était-ce un projet que vous ne pouviez plus garder en suspens?
Fabban : Le cas de “Something for Nobody” est un peu particulier, car il ne s’agit pas de réelles “nouveautés” d’Aborym, mais plutôt une collection de titres jamais sortis, de remixes, de versions lives, des titres inachevés et même des prises alternatives ou mastérisées différemment. C’était une expérience très intéressante et un bon catalyseur pour l’évolution du groupe. Cela nous a permis personnellement de mieux nous connaître, mais aussi une façon de sortir du nouveau contenu qui nous paraissait intéressant.
Au sein de plusieurs chroniques écrites récemment, j’ai eu l’occasion de redécouvrir et d’apprécier la scène musicale italienne, qui semble très diversifiée. Votre pays paraît avoir beaucoup d’artistes de talents, évoluant dans des genres parfois très différents. Comment expliquer cela? Est-ce qu’il y a un élément typiquement italien qui sert de terreau à cette scène cosmopolite?
Tomas Aurizzi : Je suis heureux de voir la scène musicale italienne évoluer. On voit qu’elle commence doucement à dépasser les frontières nationales, et même à être reconnue comme spécifique à notre pays. J’aimerai bien que cette tendance se poursuive, et pas seulement dans l’industrie de la musique.
Néanmoins, on dirait que la musique industrielle, tous genres confondus, reste une affaire très “nord-américaine”. Il y a certes une scène allemande qui reste très marquée, mais dans le reste du monde, elle paraît plus sporadique. Plus discrète peut-être. Comment expliquez-vous cela? Quelle est la situation de l’indus en Italie par exemple?
Fabban : Je pense que l’Italie n’est pas encore “prête” pour ce genre de musique, mais je lis beaucoup de réactions très positives autant des fans que de la presse spécialisée à propos du nouvel album. Le marché de la musique est contrôlé par l’industrie, mais aussi par les magazines, les radios ou la télévision. Cela ne rend pas toujours facile de percer lorsque la grande majorité des gens est dirigée, consciemment ou non, vers du contenu préfabriqué, survendu par les médias. Les autres ayant la chance de sortir un album peuvent s’attendre à ce qu’il soit chroniqué, jugé et oublié en un week-end... Et encore, avec de la chance !
Comment la pandémie a affecté la conception de ce nouvel album? Tous les artistes reçoivent sans cesse cette question bien sûr... Mais quel est votre point de vue? Est-ce que c’était plus facile ou difficile d’enregistrer dans ces conditions?
Fabban : Heureusement, rien n’a vraiment changé pour moi, puisque je n’ai jamais arrêté de travailler ! Lorsque je n’oeuvre pas pour Aborym, j’officie en tant que graphiste, et lorsque je me suis occupé des dernières sessions d’enregistrement, le virus ne frappait plus aussi sévèrement qu’en mars 2020. L’album était déjà presque prêt lorsque le virus a frappé de plein fouet. Ensuite, tout le mixage s’est fait à distance avec l’aide d’Andrea Corvo, et j’ai enregistré les paroles des trois dernières chansons en mai, afin de respecter l’agenda. Il y a eu un léger retard dans la sortie à cause des usines tournant au ralenti... Mais il est enfin sorti !
Pour revenir à Andrea, son soutien, ainsi que tous les films que j’ai regardés et les vieux disques que j’ai réécoutés m’ont permis de rester sain d’esprit ! Idem pour le fait de continuer à écrire : ça m’a permis de déstresser et d’arrêter de m’en faire pour des choses que je ne peux contrôler. Ma femme a également été d’une grande aide, c’était salvateur d’être ensemble pendant cette période. Cela commence à faire long, le monde entier est en pause. Ne pas voir ma famille, mes amis et ne pas pouvoir jouer avec le reste du groupe étaient vraiment les choses les plus difficiles. Mais je reste positif qu’on retrouvera tous notre vie d’avant une fois cette pandémie terminée.
Pandémie ou non, “Hostile” est votre plus long album à ce jour ! De fait, cela ne semble pas être dû au confinement... Mais peut-être avez-vous connu une période de créativité et d’inspiration extrême peu de temps avant? Vous êtes vous “confinés” avant l’heure si j’ose dire?
Tomas Aurizzi : Oh, le confinement a tout de même eu une incidence ! Sans aucun doute, le lockdown nous a tous effrayés au début, que ce soit dans le domaine privé ou professionnel. Mais on s’est dit que chaque problème a sa solution, et une fois qu’on la trouve, il n’y a “plus qu’à” l’appliquer. La pandémie a mis en pause la frénésie de nos vies, quelque chose que l’on expérimente tous dans les grandes villes... mais elle nous a aussi permis de nous recentrer sur nous-mêmes, de trouver ce qu’il était vraiment important d’exprimer, et ce malgré toutes les difficultés occasionnées. Indirectement, cela s’est répercuté sur l’album et sur notre objectif principal avec ce dernier : de lâcher prise et d’exprimer nos émotions librement, de raconter cette période inédite qui nous met tous au défi.
Et vis-à-vis de la promotion? Vous avez longuement abordé l’envie de revenir aux tournées, mais cela ne semble pas être pour tout de suite... Comment dire aux gens “l’album est sorti, allez l’écouter!” en temps de pandémie?
Tomas Aurizzi : Le processus de promotion va s’étendre à toutes les plateformes digitales. Nous ne savons pas combien de temps ça prendra pour revenir au live, tandis que les ventes physiques ne pèsent plus très lourd aujourd’hui. Il devient donc crucial d’être présent sur les bons canaux digitaux, malheureusement peut-être. Personnellement, je crois toujours qu’acheter les albums que j’aime, aller en concert dès que ce sera à nouveau autorisé, ressentir et vivre pleinement toute cette palette d’émotions, acheter le merch à la fin d’un show et peut-être même parler aux artistes et partager toutes ces expériences avec une foule... ce sera toujours plus gratifiant, plus excitant que de cliquer sur un lien pour écouter ou acheter sa musique.
Enfin, il me semble que cela fait un moment qu’on ne vous a pas vu en Belgique. Est-ce que vous seriez enclins à revenir nous voir? Comment sont vos souvenirs du public belge?
Fabban : Je n’ai que de bons souvenirs lorsque je repense à mes récentes escapades en Belgique, et j’espère vraiment pouvoir y revenir bientôt. Pour nos fans belges, si je ne peux vous demander qu’une chose, c’est de vous procurer notre nouvel album si vous l’avez apprécié. C’est la seule façon de soutenir les artistes en temps de Covid. Merci pour l’interview, et au plaisir de se recroiser !
Jinjer à la particularité d’être l’un des derniers groupes ayant joué avant la mise à l’arrêt du monde dû au confinement et l’un des premiers à rejouer avec le respect des distanciations sociales. Les Ukrainiens parcourent le globe avec une escale en mars dernier en Australie qui donne lieu à l’enregistrement de leur premier CD live : « Alive In Melbourne ». Tatiana Shmaylyuk revient sur ces événements, sur la sortie du live et elle évoque également les futurs plans du groupe :
Pour commencer, Jinjer revient d’une tournée comment s’est-elle déroulée ? Et que ressens-tu dans le fait de pouvoir rejouer à nouveau après cette longue période ? Nous avons joué une petite tournée autour de l’Allemagne et en Suisse en septembre, c’était des concerts avec les distanciations sociales. Ça nous a fait du bien, nous ressentons que nous ne sommes pas encore morts, c’est comme si on se réveillait d’un coma (rire). C’était vraiment génial de voir tous ces visages familiers et de nouveaux fans qui sont venus nous supporter.
Que penses-tu de cette récente configuration avec le public assis autour d’une table ? J’imagine qu’il doit manquer une certaine énergie dans l’atmosphère… J’ai l’impression que la pandémie a fait tout foirer. Nous avons le sentiment d’être des personnes différentes actuellement. C’est terrible de ne pas pouvoir faire son travail pleinement à 100 %.
Je comprends… Mais c’est mieux que les lives en streaming et ne pas avoir un public en face de toi ? Oui (rire)
Jinjer va sortir son CD live qui a été enregistré à Melbourne en Australie. C’est la première fois que tu jouais dans ce pays, quels souvenirs en gardes-tu ? Oui, c’était votre première fois ici et j’ai toujours voulu y aller et visiter ce magnifique continent. Je suis très heureuse que nous ayons pu filmer et enregistrer ce spectacle mémorable à Melbourne et de jouer en Australie en général. Je désire juste partager cette expérience et ces moments avec le reste du monde.
En plus, c’était un concert sold-out à Melbourne, est-ce que les concerts de la tournée étaient complets aussi ? Oui, je pense que la plupart d’entre eux ont été complets aussi. C’est difficile de s’en souvenir parce que c’était il y a huit mois.
La sortie de CD live : « Alive In Melbourne » était prévue avant, ou avez-vous décidé de le sortir en raison de cette période particulière, privée de concerts ? Nous ne l’avions pas programmé au départ. À l’époque où Jinjer a joué ce spectacle, c’était au début du mois de mars et personne ne savait ce qui allait arriver dans le monde. Nous avons eu cette proposition d’un vidéaste de filmer le concert et nous avons accepté. C’est une tradition de filmer les spectacles quand nous venons dans un pays pour la première fois. Nous avions seulement prévu de l’enregistrer c’est tout, et puis maintenant c’est devenu un plus grand projet.
Le live ne sortira qu’en audio, comment tu expliques ce choix parce que sur YouTube vous avez diffusé des vidéos du concert ? Je ne sais vraiment pas… C’est difficile à dire, je n’ai pas toutes les informations. C’est juste arrivé, et je n’ai pas participé à tout le processus de réalisation. J’étais loin de l’Ukraine et j’étais occupée par d’autres choses.
Après cette tournée en Australie, Jinjer a pu jouer en Amérique du Sud. Comment cela s’est-il passé avec cette situation particulière, car vous n’avez malheureusement pas pu terminer la tournée ? C’est exact, le jour où nous jouions au festival Hell & Heaven au Mexique (ndlr : le 14 mars), nous avons eu l’information que le reste de la tournée était annulée en raison de la pandémie. Jinjer a été l’un des derniers groupes cette année à jouer un véritable spectacle en festival. Après avoir fini de jouer ce concert, le monde entier s’est arrêté et nous étions vraiment saisis.
Pendant cette période de confinement, tu as pu travailler sur de nouveaux projets avec Jinjer ou autre ? Je suis resté en Californie et j’ai fait quelques featuring avec d’autres groupes tandis que Roman (guitariste), Vladislav (batterie) et Eugene (bassiste) ont bossé sur de nouvelles musiques pour Jinjer. Maintenant que nous avons plus de temps pour continuer à le faire, nous préparons en effet du matériel pour un nouvel album.
Ce n’est pas un problème de travailler à distance avec les autres membres de Jinjer ? Non, parce que je suis toujours la dernière à finir les chansons de l’album d’un point de vue lyrique, donc j’attends que le son soit prêt et ensuite je commence seulement à écrire les paroles. Par conséquent, ça n’a pas vraiment d’importance si je suis loin ou pas... et puis internet résout ce problème.
As-tu des envies musicales particulières pour toi dans d’autres projets ou avec Jinjer ? Car parfois on retrouve des influences autres que metal dans la musique du groupe : Dans un premier temps, j’ai plus besoin d’entendre le morceau que de l’imaginer. J’ai juste envie d’être inspirée par tous nos morceaux. Pour te dire, je n’ai pas vraiment de plan, c’est assez intuitif et cela évolue durant le processus de création.
Tu as collaboré sur le jeu vidéo « Metal: Hellsinger » qui sortira l’année prochaine, peux-tu m’en dire plus ? Je n’aime pas jouer aux jeux vidéo. Mais évidemment et actuellement, j’adore collaborer et figurer sur des musiques, c’était la première fois que je faisais ça. C’est arrivé très vite, j’ai reçu un e-mail de mon manager qui me disait : « Hey Tati, il y a une chance de figurer sur un morceau d’une bande-son pour un nouveau jeu vidéo, alors qu’est-ce que tu en penses ? ». Puis, j’ai écouté, j’ai dit oui et ensuite j’ai enregistré ma voix et elle se semblait plutôt bien.
Cela fait deux ans que votre dernier album « Macro » est sorti, quels sont les retours que vous avez reçus ? Oui, cela fait déjà deux ans et les réactions sont bonnes jusqu’à présent. Mais quand cette pandémie est arrivée, nous étions en plein milieu de sa promotion en Amérique du Sud. Nous sommes un peu dévastés par cela, néanmoins, nous essayons de faire de notre mieux pour que les gens continuent d’écouter et pour le maintenir en haut. C’est pour cette raison que nous avons filmé dernièrement cette musique vidéo pour le morceau « Prophecy » pour rappeler que l’album existe. Il est toujours récent pour nous même si ça fait deux ans qui se sont passés, mais il ne faut pas l’oublier.
Sur le nouvel album, il y a un morceau en russe « Retrospection », penses-tu continuer à faire des chansons dans cette langue dans les futures compositions ? Non, je ne programme rien pour le moment. Je n’avais pas non plus prévu de chanter en russe sur cette chanson, c’est arrivé comme ça. Peut-être si les nouvelles chansons me parlent je chanterai en russe, mais je ne promets rien.
Cette chanson « Retrospection » traite de la famille essentiellement, pour toi, c’est sentimental de la chanter en live ? Oui, c’est une chanson émouvante, je crois que j’ai pleuré une fois sur scène. Tu sais, parce que c’est parfois difficile d’être un groupe en tournée tout le temps, de travailler dur, de passer la moitié de l’année sur la route et d’avoir sa famille loin de soi et même si on vit dans le même pays, je ne peux pas leur rendre visite fréquemment. C’est pourquoi c’est une chanson très personnelle et elle me rend émotive de temps en temps.
Est-ce qu’on peut dire que la chanson « Pisces » est celle qui a eu le plus de succès dans la carrière de Jinjer ? Que penses-tu de tous ces commentaires et réactions vidéo sur cette chanson et sur votre voix aussi ? Je ne regarde jamais ces vidéos de réactions parce que je n’en ressens pas la nécessité. Néanmoins, j’apprécie vraiment tous les commentaires et les personnes qui ont créé des contenus comme des reprises, des vidéos de réactions et des trucs dans le genre. Cependant, je suis tellement occupée par d’autres choses que je n’ai pas vraiment le temps de me pencher plus dessus. Mais, ça me touche et ça signifie beaucoup pour moi. J’espère que ces vidéos continueront d’impressionner les gens et les faire réagir dans l’avenir.
Comment prépares et entraines-tu ta voix avant les concerts ? Et comment fais-tu pour la garder en bonne santé pendant une tournée, c’est difficile ? C’est vraiment difficile, mais je ne fais pas d’échauffement, car je n’ai pas le temps. Peut-être qu’à l’avenir, quand je trouverai un bon exercice pour moi personnellement je pourrais l’utiliser pour améliorer mon chant.
Pour finir, parlons de la tournée : Jinjer revient jouer en Belgique au Festival de Durbuy Rock Festival l’année prochaine, je l’espère ! Quels souvenirs gardes-tu de tes concerts en Belgique ? Je pense que ça fait déjà un bon moment que nous n’avons pas joué en Belgique. Mais je ne sais pas, parfois j’ai l’impression que ce concert était en Belgique, mais c’était en Suisse (rire) il y a tout qui se mélange dans ma tête.... Par contre, je me souviens de bonnes bières ! Mais j’espère que l’année prochaine, j’aurai de nouveaux souvenirs plus frais et que je m’en rappellerai jusqu’à ma mort.
Le nouvel opus d’Unleash the Archers, n’est pas qu’un simple album de power metal, c’est un réel concept album méticuleusement pensé tant au niveau de l’histoire que de l’atmosphère musicale. Plongeons avec Brittney Slayes (chant) pour explorer cet « Abyss ».
Comment te sens-tu à cinq jours de la sortie d' « Abyss » ? Je suis très occupée, j'ai beaucoup de choses à faire. Je suis vraiment très impatiente que l’album soit enfin disponible et que tout le monde puisse l'écouter. Tu sais, ça a été un travail très dur qui a pris beaucoup de temps. Je suis donc vraiment très excitée à l'idée que l’album soit enfin terminé.
Votre nouvel album est un concept album comme son prédécesseur, et il est la continuation de l’histoire de l’Immortel qui a commencée avec « Apex ». Pour nos lecteurs qui découvrent votre univers avec cet album, peux-tu nous expliquer un peu l'histoire du protagoniste ? Absolument. Cela a donc commencé avec « Apex » sorti en 2017. Dans cet album, nous avons été présentés à nos deux personnages principaux : la Matriarche qui est notre méchant et l'Immortel qui est notre héros. L’Immortel a été maudit et doit servir quiconque le réveille de ses mille ans de sommeil. Ainsi, dans « Apex », la Matriarche le réveille et l'utilise pour retrouver ses quatre fils qui sont dispersés à travers le monde, et les lui apporter afin qu'elle puisse les tuer dans un rituel pour atteindre l'immortalité. En retour, la matriarche avait promis à l'Immortel qu'elle le libérerait de cette malédiction. Cependant, à la fin du disque, elle le trahit et le renvoie sur sa montagne, endormi jusqu'à ce qu'elle ait à nouveau besoin de lui. 50 ans plus tard, « Abyss » commence avec l'Immortel se réveillant de lui-même dans un vaisseau spatial dans l'espace sans aucune trace de présence de la Matriarche. Il découvre qu'il a un nouveau maître qui n’est autre que le petit-fils de la Matriarche, et donc le fils de l'un des hommes que l'Immortel a tué dans le premier album. Ensemble, ils décident d'unir leurs forces et d'essayer de débarrasser l'univers de la Matriarche et de son mal une fois pour toutes.
Il apparaît très clairement que vous avez poussé plus loin, et avec succès je dois, dire la connexion entre la musique et l'arc narratif. Chaque chanson a sa propre atmosphère musicale au service de l'histoire. Avez-vous d'abord écrit le texte puis développé la musique autour de celui-ci? Peux-tu nous en dire plus sur la genèse d’ « Abyss »? Nous avons d'abord écrit l'histoire, pas les paroles, juste l'histoire. Et je l'ai structurée en chapitres correspondants aux pistes. Pour chaque chapitre, j’ai décrit ce qui se passe, ce que je veux que l'auditeur ressente et la façon dont la chanson doit sonner. J'ai procédé ainsi pour chaque chanson puis Andrew a pris cette base pour chaque piste et a écrit tous les riffs. Ainsi, nous étions tous sur la même longueur d'onde pendant le processus d'écriture et nous allions tous exactement dans la même direction émotionnellement et sur le plan sonore pour l'album, pour qu'au final, tout soit bien lié ensemble. Une fois que tout cela a été fait, j'ai composé mes paroles et mes mélodies vocales en m'assurant qu'elles correspondent, elles aussi, au ton du disque. Ce fut donc une façon vraiment cool d'écrire et j'ai vraiment le sentiment que cela a aidé à immerger totalement la musique dans l'histoire et inversement également.
Il y a un lien musical entre l'intro et le dernier morceau, l’épique « Afterlife », tel un cercle se fermant sur lui-même. Est-ce la fin de cet univers, ou avez-vous l'intention de le développer dans les prochains albums ? Je ne dirais pas que c'est la fin de cet univers. C'est définitivement la fin de la saga de la Matriarche et de l'Immortel. Mais il y a beaucoup d'options pour continuer avec l'Immortel. J'ai essayé d’écrire une fin un peu ouverte, sans extravagance. Je ne voulais pas que ce soit un cliffhanger mais cela se termine en quelque sorte pour l'Immortel avec une route ouverte devant lui. Donc nous pourrions continuer avec son avenir. Ou nous pourrions aussi faire une histoire sur ces origines. Il y a beaucoup d'aspects différents de ce monde dont nous pourrions parler donc je ne voulais pas y mettre fin complètement, mais c'est définitivement la fin de cette bataille-là.
Musicalement « Abyss » se distingue d’« Apex » avec, de mon point de vue, plus de maturité, plus d'émotions et un peu plus d'expérimentation. Peux-tu décrire ce que vous avez mis en œuvre dans ce nouvel album ? Absolument. Nous voulions vraiment que le son soit différent d’« Apex » car nous n'avions vraiment pas envie d'écrire Apex 2. Nous ne voulions cependant pas aliéner complètement nos fans en écrivant quelque chose de totalement différent. Nous avons donc définitivement gardé le son Unleash the Archers et il y a beaucoup de pistes qui rappellent « Apex », mais nous voulions vraiment amener l'auditeur ailleurs sur « Abyss » : nous voulions qu'il puisse sentir que nous sommes passés du cadre dans lequel se trouvait « Apex » à ce nouveau cadre abyssal, céleste et plus éthéré. Nous avons donc ajouté des synthés pour donner un son un peu plus brillant et plus léger. De plus, nous avons vraiment pris de la distance par rapport à ce que nous avions fait auparavant en faisant une pause complète avec la musique au début de 2019. Puis nous nous sommes rassemblés, après avoir écouté beaucoup de nouvelles musiques et de nouveaux groupes, influencés par de nouveaux genres. Nous avons utilisé tout cela pour essayer d'écrire un disque qui ne soit bridé par aucune limite : nous n'avions pas peur d'essayer de nouvelles choses, qu’elles soient influencées folk, symphonique ou black metal. Quand Andrew venait nous voir avec un riff qui nous plaisait, nous l'avons utilisé, nous n’avons jamais dit « ce n'est pas le son d’Unleash The Archers, nous n'avons jamais rien fait de tel auparavant donc nous ne pouvons pas l’utiliser ». Il y a bien eu des moments où j'ai dit non mais parce que le riff ne correspondait pas vraiment au ton émotionnel du disque et qu’il n'y avait nulle part où l’insérer et nous avons donc du le mettre de côté. Nous nous sommes aussi beaucoup efforcés de nous assurer que chaque chanson ait sa propre identité, contienne quelque chose d'excitant et de mémorable, mais aussi quelque chose qui lui permette de se démarquer d’« Apex » et du reste des chansons de cet album.
L'utilisation de synthés et d'orchestration apporte en effet plus d'émotions aux chansons. Je pense qu'il était vraiment important pour nous d'essayer et d'expérimenter de nouvelles choses parce que nous voulions que ce disque soit complètement nouveau. Tu sais, nous ne voulons pas écrire le même disque encore et encore. Ce n'est pas amusant.
C'est vrai, mais ce qui n'a pas changé cependant, c'est que vous avez à nouveau enregistré cet album avec Jacob Hansen. Comment s'est passée cette deuxième collaboration consécutive ? C'était fantastique. Nous l'aimons, il est tellement génial dans ce qu'il fait et ayant déjà travaillé avec lui une fois auparavant, nous étions complètement confiants dans ses capacités, son style et sa façon de travailler. C'était une période très facile et vraiment agréable en studio et nous nous entendons tous très bien avec lui. Il y a eu beaucoup de rires et de bons moments, et beaucoup de créativité. C'est quelqu’un tellement facile à vivre que vous avez vraiment l'impression que vous pouvez essayer n'importe quoi et il vous donnera son opinion honnête si cela fonctionne ou non : si tu as la bonne prise, il te le dira et si tu dois continuer, il te le dira aussi. Nous voulions que cet aspect des choses soit le même pour que l’on ressente bien qu’« Apex » et « Abyss » font partie du même univers. Nous avons estimé que cela était vraiment important parce que nous savions à quel point « Abyss » était différent sur le plan sonore. Ainsi, même si Jacob lui-même a grandi et progressé en tant qu'ingénieur et mix master, ses principes fondamentaux sont toujours les mêmes. Et donc, l’on retrouve cette touche d’« Apex » en un peu différent, ce qui est exactement ce que nous recherchions.
As-tu quelque chose d’autre en tête pour l'utilisation de l'univers ? J'ai bien une idée de préquelle, mais je ne suis pas sûr. J'espère aussi pouvoir écrire des romans graphiques pour accompagner les disques. Je me disais que la préquelle serait peut-être quelque chose qui ne sera que sous forme de roman graphique. Je ne sais pas si c'est quelque chose que je mettrai en album mais j'ai des idées pour ça. Je pense qu'en ce moment, musicalement, j'ai hâte de passer à l'écriture d'une histoire différente dans un univers différent. J'ai d’autres idées et nous avons déjà commencé à parler de ce que sera le prochain projet. Donc je vais juste faire une petite pause avec l'Immortel et peut-être revenir vers lui dans quelques années.
Ces romans graphiques, tu penses qu’ils sortiront cette année ou l'année prochaine ? Je vais avoir beaucoup de temps cet automne parce que nous ne pouvons pas faire de tournée. J'espère donc pouvoir en profiter pour en écrire autant que possible puis me lancer dans la distribution, l'impression, l'illustration et tout le reste l'année prochaine pour, avec un peu de chance, avoir une sortie d'ici l'été.
Avec « Apex », Unleach The Archers a beaucoup gagné de popularité et de public, pas seulement aux États-Unis, mais aussi en Europe. Comment gérez-vous, comment vivez-vous ce changement de popularité ? Ça a vraiment été une évolution progressive au fil du temps : de plus en plus de gens nous remarquant, de plus en plus de messages sur Facebook et Instagram de personnes nous disant qu’elles avaient découvert « Apex » et qu’elles aimaient vraiment ce disque, qu’elles étaient tellement contentes de nous avoir découverts… ce genre de choses. Cela se produit de plus en plus et ce n'est vraiment pas juste un moment où quelque chose change, ou un interrupteur est enclenché ou quelque chose comme ça, cela se développe lentement avec le temps et nous le prenons juste au jour le jour. Nous sommes ravis d'être découverts par de plus en plus de gens partout dans le monde. Et je continuerai juste à faire des interviews et j'espère que plus de personnes nous découvriront. Nous sommes vraiment ravis que les fans apprécient ce que nous faisons. Et nous ne savons jamais ce que les gens vont penser quand nous sortons un disque, c'est toujours une période très troublante en quelque sorte quand les gens critiquent cette chose sur laquelle vous avez travaillée si dur pendant si longtemps. Nous sommes donc simplement heureux que jusqu'à présent, « Apex » et « Abyss » aient été très bien accueillis par tout le monde.
Il semblerait que la position de bassiste soit maudite dans le groupe (rires). Est-ce que vous auditionnez de nouveaux musiciens ou allez-vous continuer en tant que quatuor ? (rires) je pense que nous allons rester en quatuor pour le moment : nous travaillons vraiment bien ensemble et nous nous connaissons tous depuis des années. Même avant que Grant et Andrew ne rejoignent le groupe, nous avions l'habitude de tourner avec eux dans l'autre groupe dans lequel ils jouaient ensemble. Nous sommes donc tous très proches, nous sommes tous très motivés par les mêmes choses et nous sommes sur la même page quand il s'agit de la direction du groupe. Nous allons donc simplement le garder tel quel. Nous avons un ami très proche qui tourne très bien avec nous. Il vit juste de l'autre côté du pays. Nous continuerons donc probablement à l'utiliser pour les tournées et à utiliser des musiciens de session pour les enregistrements. Nous sommes satisfaits de notre situation actuelle donc nous ne voulons pas perturber l'équilibre.
Est-ce que tu apprécies de passer l'été à la maison puisque tous les festivals sont annulés ? Cela doit être quelque chose qui n'est pas arrivé depuis un certain temps. Ou bien est-ce que la route te manque ? Oui, tout à fait. Je préférerais vraiment ne pas être ici en ce moment (rires). Je veux dire, c'est sympa, j'ai pu aller au lac pas mal de fois et Scott fait toutes ses randonnées qu'il aime tant. Faire ces choses pour lesquelles nous n'avons pas le temps normalement, c’est vraiment génial. Mais bien sûr le meilleur aspect d'être musicien dans un touring band est de faire des tournées et nous avions beaucoup de festivals vraiment géniaux prévus pour l'été pour lesquels nous étions très excités. Ils ont tous été annulés et la plupart d'entre eux ont été reportés pour 2021, mais certains ne le sont toujours pas. Nous espérons juste que tout va bien se passer pour l'année prochaine et nous allons profiter du temps que nous avons pendant que nous l'avons mais j'aimerais vraiment reprendre la route le plus tôt possible.
Avez-vous déjà planifié des concerts pour 2021 ? Oui, oui, nous planifions toutes les dates en ce moment, juste pour les avoir au cas où tout s'arrangerait et où les choses commenceraient à s'éclaircir afin que nous ne restions pas à la maison plus longtemps que nécessaire. Tout est en place et nous allons continuer à nous accrocher, à espérer que tout ira bien, et que nous pourrons reprendre la route.
Peux-tu déjà nous dire où ? États-Unis ou Canada ou Europe ? L'Europe est déjà assez bien planifiée, tout comme l'Australie. Nous travaillons sur le Japon et l'Amérique du Sud est juste en discussion parce qu'elle souffre fortement de la covid en ce moment-même et on ne sait pas trop ce qui va se passer. Aux États-Unis les dates sont planifiées mais je ne suis pas sûr de ce qui va se passer là-bas. Donc pas d'annonces avant que nous soyons absolument sûrs que cela puisse se faire. Mais l'Europe est plutôt bien partie pour l'instant.
Bonne nouvelle. Question pour finir : y-a-t’il quelque chose que tu veux ajouter ? Abonnez-vous à la chaîne YouTube de Napalm Records parce que nous allons mettre en ligne quelques vidéoclips supplémentaires avant la fin de l'année et venez traîner avec nous sur Twitch.TV/Unleashthearchers. Nous espérons pouvoir être pas mal présents sur cette plateforme cet automne parce que nous ne pouvons pas prendre la route : nous voulons pouvoir rester en contact avec nos fans de toutes les manières possibles et nous pensons que Twitch va être une plate-forme vraiment géniale pour cela. Et aussi suivez-nous sur Bandsintown, qui est une application que vous pouvez télécharger sur votre téléphone et qui vous envoie une notification quand un concert est planifié dans votre région. Nous y mettrons toutes nos dates de tournée et vous saurez tout de suite si nous venons dans votre ville. C'est donc définitivement là que je vous recommande de venir prendre de nos nouvelles.
Merci beaucoup. Puisque tu mentionnes qu'une nouvelle vidéo était en préparation. Peut-on savoir quelle chanson vous a été choisie? Oui, « Faster than light » va sortir dans un peu moins d'une semaine ici, ce va être excitant.
Est-ce que d'autres vidéos sont prévues. Oui, je pense que nous allons en faire une pour « legacy ». Nous aimons vraiment cette chanson dans le groupe donc nous allons faire quelque chose pour celle-là aussi.
C'est une très belle chanson, qui a sa propre atmosphère. Je te remercie. Oui, cette chanson est du point de vue du petit-fils (ndlr : de la Matriache). Sur la plus grande partie du disque, c’est l'immortel que j’exprime et nous voulions que le petit-fils ait une voix différente (ndlr : le guitariste Andrew Kingsley est au chant sur cette chanson). Je pense qu'Andy a vraiment fait une superbe prestation sur cette chanson. C'est sans aucun doute l'une de mes chansons préférées.
En mars dernier, le groupe Untitled With Drums nous dévoilait “Hollow”, un album riche en influence et en émotion. En pleine période du confinement, j’ai pu échanger (à distance) avec Martin (basse & chant) et Rémi (batterie) afin d’en apprendre davantage sur le groupe, leur univers musical et les détails de ce nouvel opus.
Pour commencer, vous pouvez vous présenter ? Comment le groupe s’est-il créé ? Rémi: Le groupe s’est créé en 2014. Martin avait des compositions pour un projet solo qu’il avait enregistré. Il cherchait des musiciens pour mettre ces morceaux en live autrement qu’avec des maquettes sur son ordinateur. Il a fait appel à nous, car on se connaissait. On avait tous nos groupes à ce moment-là, on s’était tous croisés sur des concerts dans des lieux à Clermont-Ferrand et à partir de là, on s’est formé. Au début, on a travaillé les compositions de Martin, car ce n’était pas censé être un projet défini pour la suite, l’idée au départ, c’était de jouer ces morceaux-là. Martin: Au début, c’était plus pensé comme un collectif d’enregistrer un disque et de jouer des morceaux en particulier. Ensuite ça a pris la tournure d’un vrai groupe. Rémi: Quand nos groupes respectifs se sont arrêtés à peu près au même moment, on s’est projeté à fond dans Untitled With Drums pour le faire évoluer vers un vrai groupe. On a changé nos méthodes de composition et nos façons de faire sur plein de choses. Le line-up est le même depuis le début du groupe.
Pouvez-vous m’en dire plus sur l’origine du nom du groupe Untitled With Drums ? Martin: C’est un hommage à Shipping News. C'est un groupe de Rock des années 90/2000 et sur la fin de leur album “Flies The Fields”, il y a le morceau “Untitled With Drums” qui est magnifique. C’est une ballade un peu Pop et complètement sombre. J’aime bien l’ambiance qui, je trouve, correspondait avec ce qu’on faisait à l’époque. Le nom du morceau m’évoque et me rappelle les origines du projet solo à la base avec le mec qui rajoute ses touches sur un projet sous forme de démo toute pourrie mal enregistrée sur un ordinateur. On a rajouté justement la batterie et plus largement une espèce d’ampleur Rock a des morceaux qui ne l’étaient pas forcément à la base. Je trouvais que ce nom décrivait assez bien ce processus-là.
Votre album “Hollow” est sorti il y a presque un mois maintenant. Quels retours avez-vous reçus ? Martin: On a beaucoup de bons retours et on est super content. Il y a des chroniques pratiquement tous les jours avec des choses très positives. On avait essayé de passer un cran et de voir plus loin avec cet album dans la façon de l’envisager et de l’enregistrer. On ne s’attendait pas à ce que ce soit aussi positif. L’investissement humain qu’on a fait a payé, car le fait de travailler avec Serge Moratte et tout simplement entre nous, on se rend compte que ça fait échos chez les gens et c’est très gratifiant.
Comment s’est déroulée la collaboration avec Serge Morattel pour la production de l’album ? Martin: C’était très bien. On le connaissait via les groupes qu’il avait déjà enregistrés et dont on était fan à l’époque comme Ventura et Knut. Et sa méthode d’enregistrement nous correspondait. On est parti sur une musique plutôt live et brute sans trop de traitement avec une production assez subtile comme il a l’habitude de faire. Ça s’est imposé un peu naturellement et la collaboration s’est super bien passé. C’était vraiment parfait. Rémi: Il a réussi à exploiter la formule du groupe et humainement, c’est un type adorable et super. Il en a vu passer quelques-uns des groupes et il y a une façon de faire avec les gens. Il te met dans une ambiance, dans une sorte de bulle et il s’approprie ta musique. Après, il sélectionne ses projets et fait ce qu’il lui plaît, quand tu vas chez lui, tu sais qu’il aime déjà ta musique. Martin: Au-delà d’aimer ta musique, il réfléchit vraiment au moment où tu te poses dans son studio. Et dans la continuité de ce qu’on amène, il a déjà une vision et une idée de ce qu’il va vouloir en faire. C’est très intéressant de travailler avec Serge qui à ce rôle de producteur de groupes. Rémi: On était venu chercher un producteur et on n’a pas été déçu. C’est ce qu’on voulait. On ne voulait pas quelqu’un qui se contente simplement d’enregistrer le disque. On voulait une personne qui le produise vraiment et on n’a pas été déçu.
Le processus d’enregistrement est un peu particulier. Vous avez enregistré en live et ensuite vous avez réenregistré une partie en studio. Comment expliquez-vous ce choix ? Rémi: En studio, on a joué tous les cinq ensemble, en même temps et dans la même pièce. De cet enregistrement, on a conservé la batterie et la basse. Pour les guitares et les claviers, on les a réenregistrés par la suite. Le but de jouer ensemble, c’était de capter la même façon qu’on joue nos morceaux en répétition. Martin: C’est de garder la même énergie qu’on pouvait avoir en répétition, car c’est là que les morceaux se révèlent ou non. Pour essayer de retrouver ce feeling-là, il n’a pas d’autre solution que d’enregistrer les uns en face des autres, à se regarder et jouer ensemble en étant dans la même pièce. En terme de son, même techniquement, ça donne une espèce de respiration et de crédibilité et une impression d’être dans la pièce avec nous, c’est aussi le rendu qu’on cherchait pour cet album-là.
Les thématiques de “Hollow” sont assez sombres : abandon, isolement, deuil … Est-ce que l'on peut dire que vous avez joué sur l’aspect émotionnel ? Martin:C’est moi qui m’occupe des textes. L’album est émotionnel, mais je ne dirais pas que j’ai joué dessus. C’est venu naturellement, ce n’est pas la corde sur laquelle j’ai envie de tirer. C’est la seule façon que je connais pour écrire des textes et faire de la musique. Ce n’est pas pour être racoleur, émo ou quelque chose du genre. Mais, je me disais que c’était là où il avait l’énergie dont on devait se servir, dans ces émotions qu’on exploite, qui ressortent et qui donnent cet aspect-là. Outre les textes, je pense que c’est ce qui donne l’énergie du reste du groupe, c’est une sorte d’exutoire dont on se sert pour agrémenter la musique qu’on produit. On a une sorte d’état d’esprit, on fait de la musique pour essayer de se dépasser. Je pense que c’est assez naturel que ces thèmes-là finissent par rentrer dans le tableau d’une manière ou d’une autre. Rémi: C’est Martin qui écrit ces textes et on n’intervient pas du tout sur l’écriture. Ce sont des textes très personnels, mais on arrive à s’identifier à l’état général et il y a une adhésion là-dessus. Martin:Il y a une volonté de se réapproprier le projet que ce soit les morceaux ou les textes. Rémi: On a chacun notre grille de lecture des paroles et c’est la façon de chacun à s’approprier le projet.
On peut affirmer que ces paroles sont vraiment un exutoire ? Rémi: Ce projet est clairement un exutoire. On vient tous les cinq d’univers musicaux différents, on n’a pas les mêmes influences et on arrive à faire la synthèse de tout ça dans le projet. Il y a un fil conducteur et je pense qu’on a réussi à trouver avec ce disque quelque chose qui nous plaît à tous. On a changé de méthode de composition. Sur ce disque, on s’est tous mis à fond dessus. C’est toujours Martin qui fait la composition et qui nous envoie la matière de base, mais il y a un travail d’arrangement et d’investissement que l’on n’avait pas avant, cela se ressent. C’est sûrement pour ça qu’on arrive tous à bien s’identifier sur cet album et sur le projet en général.
Comment décririez-vous votre musique afin de donner à nos lecteurs l’envie de l’écouter ? Martin:C’est très subjectif. J’ai l’impression que ça ne ressemble pas vraiment à quelque chose qui existe déjà. Je ne sais pas si c’est une bonne ou une mauvaise chose, mais au moins, c’est ça qui est particulier et le plus unique possible. C’est-à-dire, je ne sais pas dans quelle mesure on digère nos influences, mais on promet de faire quelque chose d’intéressant. On a la volonté de faire quelque chose de singulier et de ne pas se laisser enfermer dans une case. Rémi:Je suis d’accord avec toi, mais pas totalement, car c’est moins conscient que ça. On nous fait souvent la remarque, en nous disant qu’il y a beaucoup d’influences qui sont mélangées, mais en faite, il y a beaucoup de choses qu’on n’a pas du tout calculées. Le fait qu’on vienne d’univers complètement différent, il va avoir des sonorités et des façons de jouer nos instruments qui vont trahir nos influences. Moi, j’adore les éléments très lourds et Metal Progressif. Dès que je vais sentir que le passage me permet d’interpréter mon jeu de batterie de cette façon, je vais le faire. Notre guitariste, il est plus Heavy, il a un côté plus tranchant dans sa façon de jouer son instrument. Tandis que notre claviériste, c’est un gars qui fait de la pop, quand tu entends des tambourins dans le disque, ce n’est pas nous qui avons donné l’idée. On retrouve ce côté mélange. Ce n’est pas du tout compris, c’est vraiment quelque chose qu’on ne conscientise pas. Je pense que cette diversité se ressent dans ce disque là encore plus que celui d’avant, car c’est Martin qui l’avait composé tout seul. Martin:Oui c’est plus des réinterprétations de mes compositions. J’essayais de respecter encore l’aspect initial du projet qui était moins un effort collectif.
Est-ce que vous pouvez m’en dire plus sur la pochette et qui l’a réalisée ? Martin:C’est moi qui l’ai réalisée. On retrouve cette thématique principale du vide qui tourne autour de l’album. Cette pochette est un peu venue toute seule. Je suis illustrateur à côté et je manipule beaucoup les thèmes autour du corps humain. J’ai essayé de retranscrire l’ambiance visuellement, de rendre ça un peu symbolique et de matérialiser ce thème du vide et du creux à travers la pochette.
Quels sont les prochains projets à venir pour Untitled The Drums ? Martin: Sortir du confinement (ndlr : l’interview fut réalisée début avril). Essayer de réparer ce que le hasard et la situation on fait de notre programme de sortie de disque. Et au-delà de ça, continuer de réfléchir sur le projet et de le faire évoluer comme on l’a fait entre le dernier EP et le nouvel album “Hollow”. Je pense qu'il y aura la même démarche de progression avec le prochain. Et essayer de rester dans la sincérité de ce qu’on a envie de faire et faire quelque chose d’intéressant dans cette mesure-là. Rémi: Pour parler du disque plus précisément, l’idée c’est de monter une tournée pour le jouer, car on n’a pas pu vraiment le faire avec la période et on a eu quelques petits changements de plan. Nous allons également sortir un clip. On aimerait bien accéder à quelques lieux de concert un peu plus qualitatif. Comme on est cinq sur scène, on a tendance à jouer fort et à appuyer sur beaucoup d’éléments. C’est vraiment important de jouer dans de bonnes conditions. Martin:C’est l’occasion de déployer à 100% ce qu’on a travaillé. Rémi: C’est vraiment ça l’objectif. Parfois, on nous demande quel genre de concert idéal on voudrait faire. On n’a pas envie de faire de grosses choses, on veut rester comme ça et continuer à se faire plaisir. Mais on voudrait arriver à accéder à des lieux de concerts dans des clubs et de pRémières parties sympathiques. Dans l’immédiat, c’est notre objectif.
Pour finir, je vous laisse le mot de la fin : Rémi: C’est super sympa qu’il y ait des gens qui s’intéressent à notre disque et qui l’écoutent. Ça fait vraiment plaisir de pouvoir parler de notre musique et d’avoir un retour. On espère que ça pourra se transformer sur les concerts, qu’on va pouvoir discuter avec des gens et pouvoir jouer le plus possible. Dans l’immédiat, ce disque on l’a fait à fond, on ne savait pas trop quoi faire et on n’avait pas vraiment d’objectif fixé. Martin: On s’était fixé des objectifs en termes de styles, mais pas au-delà de la sortie du disque. Ce qui en train d’arriver, ce sont les retours et les répercussions intéressantes sous toutes les formes possibles. C’est vraiment de l’énergie pure. C’est génial. Rémi: Surtout pour des groupes comme nous et ce genre de musique là. Depuis le début du groupe, on est confronté à des difficultés dues à notre gabarit et un problème d’identification de style. Aujourd’hui, les gens aiment bien avoir des groupes qui mettent des étiquettes. Nous ne faisons pas du Post Rock ni du Post Hardcore. C’est difficile, car il y a des salles où des associations qui nous refusent, car ils ont dû mal à nous classer dans une programmation. Le fait d’avoir des retours très positifs sur le disque veut dire qu’il y a des gens qui comprennent ce qu’on fait. Et ça, c’est cool.
Le trio français Le Skeleton Band nous fait voyager au travers de leur nouvel album “Aux Cavaliers Seules” aux multiples facettes. Alex Jacob nous en dit plus sur le sujet :
Pour commencer, peux-tu présenter le groupe ? On s’appelle Le Skeleton Band, on existe depuis dix ans et on est un trio. Notre musique navigue entre le Rock, le Post Rock, le Blues et parfois le Baroque. On a fait environ cinq cents concerts depuis qu’on existe. On sort notre cinquième album qui se nomme “Aux Cavaliers Seules”. Dans le trio on retrouve Clément Salles à la batterie et au vibraphone, Bruno Jacob à la contrebasse et moi (Alex Jacob) au chant, à la guitare et au banjo.
Comment te sens-tu à la sortie du nouvel album “Aux Cavaliers Seules” avec le contexte actuel ? Je suis content de le sortir, car c’est l’album pour lequel le temps de préparation a été le plus long que l’on n’a jamais connu. Au début, on a commencé la composition, l’enregistrement puis la sortie et il a mis beaucoup de temps à arriver à maturation. Je pense qu’on a la sensation que c’est génial de le sortir maintenant, car on va pouvoir le faire écouter et nous, dans tous les cas, on va tourner avec pendant un moment. On peut attendre et on a appris à attendre pour faire ce disque.
Comment expliques-tu ce temps de préparation plus long ? Je pense que l'on a mis longtemps avant de savoir où on allait. C’est la raison pour laquelle on a pris plus de temps. Avec le disque précédent, “Tigre-Teigne” (ndlr sorti en 2017), qui est assez brute avec peu d’instruments différentes. On était en quatuor et puis on s’est retrouvé en trio comme à nos débuts. Également, c’était les dix ans du groupe et ça a fait un effet reboot. Il fallait de nouveau inventer quelque chose qui surprend. On a essayé plein de formules d’instruments et des manières de composer différentes, le fait d’inventer tout ça, cela a pris du temps. On est parti d’une base comme si on jouait une musique acoustique que l’on pourrait jouer avec quasiment aucun micro, mais avec les effets que l’on rajoute et que l'on dissémine dans la chanson, ça prend une ampleur différente. Donc ça a pris du temps pour que l’on arrive à trouver cet équilibre.
Est-ce que l’on peut dire le processus de production fut différent pour cet album ? Tout à fait. On est partis sur quelque chose de très acoustique. Plus on a avancé, plus on l’a quitté. Mais tout au début, on était vraiment dans cette idée-là et les effets ont gagné. À force de maîtriser les effets qu’on voulait mettre partout, on y a été franchement et on s’est plaisir.
Comment décrirais-tu “Aux Cavaliers Seules” pour donner envie à nos lecteurs de l’écouter ? C’est un album de Rock qui est cinématographique et intime, car il parle beaucoup des espaces intérieurs et aussi des espaces extérieurs grands comme petits. C’est l’intérieur et l’extérieur qui essayent d’exister en même temps. Le disque navigue entre des éléments plus Folk et des inspirations qui viennent directement du Post Rock. Dans cette idée, il y a beaucoup de chansons progressives qui montent, il y a des chœurs et parfois il y a de plus en plus de bruit qui se rajoute. Sans cesse, on essaye de chercher en soi une histoire. Ce qu’on a réussi à faire cette fois, et peut être pas avant, c’est l’histoire. On nous emmène et on va d’un point à un autre avec parfois des bifurcations dans la musique. En même temps, le disque est assez condensé dans le temps, avec peu de chansons, mais elles sont assez longues. C’est un voyage qui peut paraitre assez long et en même temps qui est dans le temps assez ramassé.
On peut affirmer que le but de vos albums, c’est d’inviter au voyage ? C’est l’idée dans notre musique, il y a tout le temps beaucoup d’images, d’ambiances et de son. Plus on avance dans l'écoute, même si le chant est assez présent, au plus on laisse de l’espace à notre musique quand il intervient, car c’est l’évocation qui nous parle le plus en général.
Était-ce une volonté de mettre davantage en avant le chant en français dans cet album ? On ne se force pas à écrire en français, mais c’est beau quand on arrive à trouver l’endroit où le texte existe avec la musique et sert à s'y plonger ou pas. On peut faire le choix de l'écouter ou pas. J’aime ça et surtout, on a réussi à trouver des mots qui résonnent comme on le voulait avec la musique qu’on joue.
Est-ce qu’on peut dire que la pochette de l’album suit la continuité du voyage ? Tu peux m’en dire plus sur le sujet ? La pochette a été prise par un cinéaste, Léo Lefèvre, qui fait aussi de la photographie. On aime bien cette photo, car elle invite au voyage. Elle représente une grande étendue de rizière et d’herbe où il fait sombre. C’est un peu inquiétant et en même temps, c’est intrigant et attirant. On peut apercevoir des feux au loin, c’est comme des lueurs auxquelles on peut se raccrocher. Également, ça peut raconter l’état interne dans lequel on est, que tout est sombre, mais ce n’est pas perdu. Et quand on a regardé la photo en écoutant l’album, chaque morceau raconte quelque chose de différent et ça s’assemblait donc on a décidé d’utiliser cette photographie.
Est-ce tu peux m’en dire plus sur les paroles ? Est-ce qu’elles invitent également au voyage ? Je crois qu'il y a beaucoup de courage dans les paroles et la tristesse est toujours présente. Je pense au dernier morceau, “Perdu le Rivage”, qui parle de lui-même et quand on est lancé dedans, on ne sait pas ce qu'il se passe. Les paroles essayent de raconter ça et, en même temps, de rester un peu au présent. Ce n’est pas “il était une fois”, mais c’est maintenant "il se passe ça". C’est à la fois quelque chose qui arrive à tout le monde, tout le temps et maintenant cela m’arrive à moi à ce moment présent.
Les morceaux de Le Skeleton Band sont très diversifiés, quelles sont tes influences qui t’inspirent à composer ? Au début du groupe, on écoutait surtout des artistes de Rock comme Tom Waits. Ensuite, on a beaucoup écouté la musique d’ambiance qui s’approche aussi d’une atmosphère latine comme Dead Combo qui est un groupe portugais. Le Post Rock a toujours été présent comme le Doom, on en écoute tout le temps. En Doom, je pense à Earth et en ce moment, on aime beaucoup Big Brave.
Le Skeleton Band a fait beaucoup de concerts dont certains dans des lieux particuliers. Est-ce qu’il y a un concert qui t'as marqué en particulier ? Oui, je retiens surtout les concerts où les gens débarquent sur scène. Ça m’est arrivé deux fois que des mecs montent sur scène pour me rouler une pelle, donc je m’en souviens. Ça, ce sont les anecdotes marrantes. Mais il y a les concerts où tu ressens que tout le monde est présent et il se passe quelque chose surtout quand ce n’est pas donné d’avance. Parfois dans des lieux, dans des endroits particuliers comme des clubs, je pense à un endroit au Portugal tout le monde écoute et là on ne sait pas ce qui se passe mais tout le monde en ressort un peu purgé et c’est génial. Également, il y a les moments quand on a joué devant d’énormes foules, on s’en souvient, on a joué une fois devant trois mille ou quatre mille personnes. On n’a pas l’habitude donc ça nous fait bizarre.
Quels sont les prochains projets après la sortie de l’album ? On espère tourner à partir de septembre, c’est certain on va passer du temps sur la route. On va également faire un clip pour l’album très prochainement. On a fait la musique d’un film qui s’appelle “Douce France” qui sortira au cinéma bientôt. Le but est surtout, dès que c’est possible, de jouer et de reprendre la route.
Vous avez déjà écrit des musiques pour un film auparavant ? On l'a déjà fait assez souvent, on nous a déjà demandé de faire de la musique pour le théâtre ou la radio. C’est très différent la façon de composer, car on travaille avec les images et on dialogue avec le réalisateur. C’est un travail qui est intéressant, car souvent on fait des choses qu’on ne ferait pas dans nos chansons. Donc, on s’essaye à de nouvelles choses et souvent ça permet de nourrir le disque suivant.
Pour finir, je te laisse le mot de la fin : Je suis très content de sortir ce disque “Aux Cavaliers Seules”, même si on ne peut pas tourner tout de suite. C’est quelque chose qui a pris du temps pour se faire et je crois comme il est aujourd’hui, on n’aurait pas pu mieux faire. C’est vraiment un disque qui nous ressemble et je suis content d’avoir fait quelque chose proche de nous.
Ré-édité le 03/08/2020 dernier, « The Butterfly Effect » fut un album à part dans la discographie de Moonspell. Nous avons rencontré, pour vous, Fernando Ribeiro, frontman du groupe, pour en savoir un peu plus sur cet album, son histoire et la raison d’être de cette sortie. Ce fut également l’occasion pour lui de nous faire part en exclusivité de certains projets et de lever un peu le voile sur leur nouvel album en nous annonçant, entre autres, en primeur, le nom de leur nouveau producteur.
La ré-édition de « The Butterfly Effect » fait partie d’un processus de ré-édition entamé il y a quelques années. Pourrais-tu nous expliquer ce qui vous a poussé à faire cela ? Pour plein de raisons. La plus logique et pratique est que lorsque qu’on a fondé Alma Mater Records, un label détenu par moi et Pedro (celui qui s’occupe du merchandising), un de nos buts, en plus de s’occuper correctement de Moonspell au Portugal pour la promotion et la distribution, était de travailler pour la communauté de fans dont tu fais partie. On reçoit des milliers d’e-mails disant « je n’arrive pas à trouver ce disque ou ce morceau»... Nous avons contacté les labels, principalement Century Media et SPV, pour nous renseigner et tous ces disques n’étaient plus édités ou plus en stock. On peut bien sûr les trouver sur des sites comme Discogs ou Amazon, mais à des prix relativement élevés. Pour moi, c’est un compliment, car je collectionne aussi les disques et certains ont pris de la valeur, mais la majorité des gens n’ont pas cette aisance financière pour payer jusqu’à 600€ pour un disque (ndlr : prix pour la version signée de l’album "Irreligious"). On a donc décidé, comme on aura 30 ans de carrière en 2022, de récupérer notre catalogue d’antan et de le rendre à nouveau disponible. Je pense que ça a du sens, spécialement pour moi, et je voulais y prendre part depuis le début : aller dans les archives de Moonspell, réunir le matériel et refaire des éditions collectors accessibles. Je pense d’ailleurs que nous nous améliorons avec le temps. « The Butterfly Effect » est sorti de manière chronologique. Probablement qu’en 2021, on ressortira « Darkness & Hope » également. Pour « Butterfly », on a eu une approche différente : on a retravaillé la couverture, certains aimaient l’originale, moi aussi, mais c’est le genre de décision à prendre lorsque tu fais une ré-édition, afin de la rendre plus intéressante pour les gens qui vont l’acquérir. La ré-édition de « The Buttefly » est meilleure que celle de « Sin » ce qui montre une amélioration dans le processus et c’est une situation win-win pour les fans et Moonspell.
Pourrais-tu nous présenter les deux remixes disponibles avec cette nouvelle édition et nous dire pourquoi vous les avez inclus ? C’est important pour moi d’avoir du matériel bonus et on l’avait déjà fait avec « Sin ». La particularité ici est le 7’’ additionnel qui est un vrai collector et qui contient ces deux remixes. Pedro, qui est celui qui compose le plus dans Moonspell, a pris beaucoup d’initiatives en ce qui concerne « The Butterfly ». Si les gens lisent notre biographie, ils verront que cet album est principalement le fruit des affinités et de la production de Pedro. Quand on a ressorti l’album, je lui ai demandé de faire des remixes ou des versions alternatives des ses propres compositions. Il est venu avec différentes choses et on a choisi la version alternative de « Angelizer » qu’il a rebaptisée « Angelized » et le remix de « Lustmord » qui se nomme « Never Stop To Hurt You ». C’étaient les bonus parfaits, à mon avis, pour « The Butterfly Effect », parce que ça met en évidence la nature de la musique, ça étend l’album vers quelque chose de plus électronique et les gens savent que c’est avec cet album que nous avons le plus flirté avec l’indus et l’électro. Ces morceaux ont déjà été lâchés sur internet de-ci, de-là, parfois sans notre autorisation, maintenant ils sont immortalisés officiellement sur vinyle. Une chose sympa avec le nouveau packaging, c’est qu’il s’intègre parfaitement avec le concept de l’album. Alma Mater Records, c’est Pedro (merch), Joao, notre designer, et moi. Je pense qu’il est important d’en avoir un, car les choses évoluent rapidement et c’est lui qui est en charge de cet aspect. Il est donc venu avec ces deux covers qui sont magnifiques. Pour le 7’’, c’est comme une petite aquarelle faite à la main et c’est un peu dans cet esprit de liberté qu’avait été fait l’album. Pour l’album lui-même , j’avais un problème avec la cover originale qui est trop minimaliste et celle-ci rend le tout plus metal car même si c’est l’album le plus bizarre ou le plus fou du groupe, ça reste un album metal. Je voulais que ça se ressente dans le packaging et Joao a fait du très bon travail. On va sûrement garder cette formule avec lui pour les prochaines ré-éditions et peut-être pour les nouveautés.
En parlant de packaging justement, vous l’aviez déjà changé avec la ré-édition de « Memorial »... Oui, pour « Memorial », il y avait un sentiment partagé. Parfois tout est là pour faire une bonne pochette. Pour « Night Eternal », tout était là, on a juste fait quelques ajustements, un peu de graphisme et c’était bon. La couverture originale de « Memorial » n’en a jamais été une, c’était plutôt une approche graphique. Joao l'a complètement revue et certains ont aimé, d’autres pas. On ne peut pas plaire à tout le monde et je n’ai pas de problème avec ça. Mais je pense que « Memorial » a été bien retravaillé et il y avait aussi beaucoup d’extras dessus. Il a très bien marché auprès des fans d’ailleurs.
Cet album a été un tournant pour le groupe, une grosse prise de risque aussi et il n’a pas été fait comme les autres. (J’invite les lecteurs à consulter la biographie de Moonpell « Wolves Who Were Men », review dans le Metal’Art n°1, pour plus de détails). Mais comment l’as-tu ressenti personnellement ? Comme dit dans notre biographie, cet album est un peu hors de notre discographie pour beaucoup de raisons. En ce qui me concerne, je me rappelle de cette période entre 1998-99 avec les réactions mitigées, nous en essayant d’attraper toutes les balles qu’on nous envoyait et la perte de notre salle de répétition. Pedro a rapporté beaucoup de matériel chez lui, car il évoluait vers le sampling, l’électro et la production. Personne ne prenait vraiment d’initiative pour la direction qu’allait prendre notre musique et l’album. Pedro en a montré beaucoup et nous a présenté des morceaux qui sonnaient très différemment de ce qu’on faisait, mais qui reflétaient ce qu’il aimait en tant que musicien et compositeur. Je me rappelle que je lisais déjà des ouvrages scientifiques sur l’effet papillon, sur le hasard ; comment il affecte et peut être utilisé dans les sciences sociales. Lorsque j’ai écouté ses morceaux, j’ai pensé que c’étaient des trucs assez fous, peut-être plus choquants que « Sin ». Mais j’étais moi aussi dans cette tendance un peu folle et je ne suis pas du genre à dire non. Si c’est fou, je suis partant ! J’ai donc fait de plus en plus confiance à Pedro en ce qui concerne les décisions et les choix à poser. Pedro est le genre de gars à rester dans l’ombre. Je me demande d’ailleurs pourquoi les gens ne l’interviewent pas pour « The Butterfly Effect », car après tout, il a composé la plupart de l’album, pas moi. Quand on lui propose, il répond toujours : oui … mais non. Parfois je les envie, lui et Ricardo, car ils restent assis longtemps en studio à composer et à jouer. Et c’est parfois la meilleure chose lorsqu’on est dans un groupe. C’est parfois dur aussi, car l’inspiration a un coût. Dans mon souvenir, c’est comme ça que cet album est né : la folie qui rencontre la folie et on se lance ! J’ai beaucoup aimé aussi la manière dont il est sorti en studio même si, je l’admets, ce n’est pas la meilleure production de Moonspell, c’est quand même un truc fou et ça se ressent dans tout l’album. Le studio était très grand, très connu, et je ne savais pas que des gens comme David Bowie, Duran Duran et Robbie Williams y avaient enregistré et on l’a découvert en recevant la facture (rires) ! Bon maintenant, c’est devenu un restaurant, mais c’était au centre de Londres près de Scotland Yard à Victoria. Quand je suis arrivé le premier jour, Pedro et les autres étaient déjà là. On est sorti et on a volé des panneaux routiers « under construction » avec des lampes et je me suis dit que c’était bien parti ! Tout d’un coup, le producteur crie « Pub time, pub call, on doit aller au pub avant que ça ne ferme ! » Là, je me dis que ça va vraiment être cool d’enregistrer cet album. Je pense que ces une de mes expériences les plus funs et agréables en studio, le résultat est quand même un peu bizarre. Maintenant, on enregistre différemment : on est plus matures, on donne plus de valeur à l’argent. C’était aussi le dernier album enregistré sur cassette et pas en digital. C’était en quelque sorte la fin d’un cycle pour Moonspell. Ces quatre albums qui ne pouvaient pas être plus différents, comme quatre frères qui ne se ressemblent pas : « Wolfheart », « Irreligious » « Sin » et « Butterfly » quoi qu’on fasse après ça, qu’on retourne en arrière ou qu’on essaye d’innover, resteront les quatre pierres angulaires à suivre.
Tu as d’ailleurs voulu refaire « Sin/Pecado » pour le faire mieux correspondre à la vision que tu en avais. Comme « Butterfly » est perçu de manière différente par les membres du groupe, vous n’avez pas eu envie de le refaire pour qu’il vous corresponde mieux également ? Je n’ai jamais été très satisfait de la production de « Sin/Pecado », car elle ne sert pas les titres comme elle le devrait. Il y a de très bons morceaux comme « HandMadeGod », « The Hangman », « Eurotica », mais ce qui a marché entre Waldemar et nous sur « Wolfheart » et « Irreligious » n’a vraiment pas fonctionné pour « Sin ». C’était un album très compliqué à enregistrer, on a passé trop de temps en studio. J’ai donc proposé mon projet de ré-engistrement au groupe et tout le monde n’était pas partant. J’ai donc laissé tomber l’idée, car malheureusement je ne suis pas le chef (rires). Mais c’est toujours dans un coin de ma tête, surtout en tant que chanteur, je voudrais le faire différemment. Pour « Butterfly », on n’a pas eu ce problème. On aurait pu le remixer par exemple en le donnant à un producteur qui fait dans la musique électro, mais lorsque je pense à ceux qui constituent la vraie ‘fan base » de Moonspell, ça ne leur aurait rien apporté. Je pense qu’on a pris la bonne décision est faisant un remasting pour vinyle, cd ainsi que pour les supports digitaux qui n’existaient pas il y a 20 ans, ainsi que d’avoir investi dans d’autres aspects : le nouvel artwork et le nouveau booklet. Je ne pense pas que l’on ré-registrera aucune des ré-editions à venir. Par contre, une chose que je voulais refaire et que nous avons tous été d’accord de refaire c’est « Anno Satanae » / « Under The Moonspell » qui est devenu « Under Satanae » et qui est vraiment cool.
Sans en révéler trop, devons-nous nous attendre à un « nouveau » Moonspell avec le nouvel album. On sait déjà que Jon Phipps (interview dans Metal’Art n°4) y a participé, donc on suppose déjà que les mélodies et les harmonies y auront une grande place. C’est une très bonne question, car on y travaille encore. On cherche comment ressentir notre nouvelle musique. Faire de nouveaux morceaux est quelque chose qui nous excite. Même si on aime être sur la route et nous y étions beaucoup ces dernier temps. C’est d’ailleurs là que nous nous sommes rencontrés toi et moi les dernières fois. Le temps de création en studio, entre les membres du groupe et le producteur est quelque chose que j’ai toujours aimé ; c’est comme aller dans une forêt obscure avec une petite lampe de poche et tu peux éclairer cette direction ou une autre. Par ailleurs, on a déjà un producteur, Jaime Gomez Arellano, il est surtout connu pour son travail avec Cathedral, Paradise Lost. On a donc à notre disposition ce background entre le doom, le progressif et le psychédélique qui va assez bien avec l’orientation que nous prenons. Maintenant, on est un peu plus vieux, notre groupe est différent et j’ai soumis à Pedro et Ricardo mes paroles et mon projet qui n’est même pas un concept. Je veux juste qu’on ne soit tenu par rien. On ne va pas refaire un album concept en Portugais comme « 1755 », j’ai des idées pour un nouvel album en Portugais, mais ce sera au moment opportun et quand l’idée sera mûre. « Extinct » peut donner des indices sur ce que sera le « nouveau Moonspell », car je pense que c’était un album très mature, dont les morceaux tenaient bien ensemble. « Breath », « Until We Are No More » et « The Future Is Dark » sont des exemples d’excellents morceaux. Malgré tout, je n’ai pas encore grand-chose à dire sauf que ce sera très musical et vocalement très mélodique, car c’est quelque chose que je voulais vraiment faire après « 1755 » qui était plus rentre-dedans. Je pense que ce sera très mélancolique et très personnel, car je ne connais rien qui sonne comme ce que l’on fait maintenant. En tout cas, l’originalité et la qualité sont les deux focus dans tout ce que fait Moonspell. Il nous est arrivé tellement de choses que faire autrement ou tenter de refaire ce que l’on a déjà fait ne serait vraiment pas cool pour nous. Je dis toujours à ma femme sous forme de blague, mais dans toute blague, il y a une part de vérité, que si j’avais été un de ces mégas grands groupes et que j’avais déjà tout fait, bien entendu que je ne saurais rien faire de nouveau. Et la situation actuelle serait parfaite pour prendre ma retraite : on a fait le tour, y’a ce virus qui ne veut pas que l’on soit sur la route donc goodbye tout le monde. Je pense qu’il a encore de l’espace pour que Moonspell évolue et pour faire de nouveaux albums. On verra ce qui se passera en 2021 avec ce virus, car on dit que ça ne peut pas être pire, mais on ne sait jamais. En tout cas, j’ai trois projets en attendant : un concert physique qui va se passer en Algarve, le 20 août, on croise les doigts pour que ça se passe bien, un streaming mondial qui devrait se faire fin octobre, car nous savons que nous manquons à certains fans, mais on attendait la bonne opportunité et on réunit encore les éléments pour faire ça correctement et pour finir je voudrais que les gens puissent écouter nos nouveaux morceaux, pas en live, mais via Facebook, Spotify ou un autre support du genre. Si on arrive à faire ces trois choses d’ici la fin de l’année alors 2020 n’aura pas été une si mauvaise année pour nous.
Tu parles d’un concert virtuel, mais vous n’avez pas pensé à utiliser plus internet pour passer au travers de cette période, pour survivre ? Beaucoup d’artistes font des lives depuis leur salon. Ce n’est pas seulement notre survie, mais il faut aussi penser à notre crew, à ceux qui travaillent avec nous et ceux qui nous entourent. Je ne suis pas très tenté par l’idée de vidéo à partir de chez moi : mon divan c’est pour moi et ma famille, pour regarder un film d’horreur en mangeant du popcorn ou des dessins animés avec mon fils, je ne pense pas que ce soit l’endroit ou les fans veulent me voir jouer du piano ou de la guitare acoustique. Je n’ai rien contre ceux qui le font, mais j’ai le sentiment que certains se sont précipités et ont surestimé le fait que les gens ne pouvaient pas vivre sans leur groupe. Pourtant, ils peuvent, c’est de nourriture et d’eau que les gens ne peuvent pas se passer, c’est tout. Sans musique, c’est une vie moins intéressante, mais on peut survivre. Je pense qu’on a bien fait d’attendre et comme je dois prendre beaucoup de décision pour le groupe, ce fut mon choix. Au moins, on fera quelque chose de cool et maintenant c’est la bonne occasion de développer des choses pour garder ce lien avec nos fans. On fera ce streaming, payant, car on ne sait rien faire sans et même si je le faisais assis dans mon divan je dois quand même payer mon loyer et on va aussi ressusciter le « Wolfpack Fan Club ». Cette fois-ci, on fera les choses bien : il y aura de vrais trucs cools, du matériel exclusif, etc. Cette situation Covid n’est pas agréable, mais elle nous donne l’occasion de réfléchir à plein de choses et toutes ces choses dont je viens de parler, je l’espère, apporteront une meilleure version de Moonspell et c’est au final ce que l’on veut vraiment.
Ma dernière question n’en est pas une, mais comme à chaque fois, je laisse carte blanche à mon interlocuteur pour parler de quelque chose qui n’aurait pas été abordé et qui lui tient à cœur. On a à peu près tout couvert, mais mon message aujourd‘hui serait : “ Stay healthy and not heavy”, rester à la maison à manger et boire sans bouger ce n’est pas l’idéal. « Stay lucky », car je pense que la chance est un atout majeur pour ne pas attraper ce virus et « Think by your own ass », car on reçoit des messages différents des autorités sanitaires et politiques et ce n’est pas facile de s’y retrouver mais je voudrais dire à vos lecteurs de s’accrocher, d’être prudent et que 2021 sera une meilleure année. Si ce n’est pas le cas, nous avons encore le temps de trouver un moyen de garder la musique en vie, car même si les concerts et les festivals définissent le genre « metal » cette période nous a permis de voir à quel point les groupes étaient créatifs. Notre groupe est un bon exemple : né à la fin des 80’s, on parle maintenant de faire des concerts en streaming avec des caméras digitales dont je ne comprends foutre rien. Donc soyez patients et la musique nous le rendra, aussi bien à ceux qui la font qu’a ceux qui l’écoutent, car nous sommes tous importants et nous devons tous rester en vie, car autant que je sache, les morts n’écoutent pas de musique…
En février, Delain nous a présenté son sixième album « Apocalypse & Chill », évoquant le monde dystopique dans lequel nous vivons, Charlotte Wessels et Martijn Westerholt ont répondu à nos questions afin de nous faire découvrir davantage sur son concept :
Pour commencer, que ressentez-vous à propos de la sortie de cet album « Apocalypse & Chill » qui est plein de nouvelles influences ? Charlotte : Je ne vais pas dire que j’ai peur, cependant, j’attends avec impatience les retours de nos auditeurs parce que ce nouvel album est rempli de nouvelles influences heavy et électroniques.
Vous avez déclaré que cet album peut surprendre les auditeurs, que voulez-vous dire par là ? Martijn : Je pense qu’on peut étonner les auditeurs, car c’est un album très varié et il y a beaucoup d’éléments qui peuvent surprendre. Par exemple, notre guitariste Timo qui chante pour la première fois sur un album de Delain. Nous avons enregistré de vrais chœurs et il y a des riffs très lourds. Il y a eu un travail incroyable et ce genre d’éléments peut bluffer les auditeurs.
C’est aussi le premier album sans Merel Bechtold, est-ce que c’était une manière différente de composer ? Charlotte : En ce qui concerne l’écriture et la production de l’album, Merel ne jouait pas un rôle crucial donc ce n’était pas difficile de faire sans elle. Martijn : Nous sommes trois à composer les chansons et ça ne change jamais, c’est toujours la même équipe moi, Otto et Charlotte. Cependant, Timo a écrit un peu avec nous. Dans le passé, il ne faisait que les arrangements, nous lui donnions les chansons et puis il les réécrivait pour s’adapter aux guitares. Mais maintenant, il contribue vraiment à la composition donc c’est la seule différence pour nous. Pour revenir à Merel, elle n’a pas vraiment participé à la production de cet album à l’exception de « Art Kills » sur l’EP « Hunter’s Moon ».
Justement, Timo chante sur cet album, aimeriez-vous refaire ça dans le futur ? Charlotte : Vous savez, les chansons en général deviennent plus intense chantées à plusieurs et j’apprécie beaucoup les invités que nous avons sur chacun de nos albums. J’adore vraiment ce qui s’est passé sur « One Second » donc je ne dirais pas non.
« Apocalypse & Chill » est rempli de nouvelles influences, peut-on dire que ce soit un album plus osé ? Martijn : Pour moi, ce n’est pas plus osé parce qu’on écrit juste ce que nous aimons et ce qui nous met à l’aise. Bien sûr, nous avons exploité des éléments sur cet album que nous ne faisions pas auparavant. Mais, je suis vraiment à l’aise avec ça. Charlotte : Si on parle « d’être audacieux » pour nous, je suppose, c’est le fait de notre évolution au fil des années. Nous avons tellement d’idées et nous pensons que « oh non, ça c’est trop les années 90’ ou c’est trop dansant (…) ». J’ai l’impression que nous commençons à exploiter ces influences depuis un certain temps. Si nous ne le ressentons plus, c’est plutôt dû à un changement graduel, c’est ce qui s’est produit sur cet album.
C’est comme une tradition pour vous d’avoir des guests sur chaque album. Cette fois-ci, vous avez travaillé avec Yannis de Beast In Black, comment s’est déroulée cette collaboration ? Martijn : Je connais Anton qui est le compositeur de Beast In Black et Charlotte connaît Yannis depuis longtemps, nous avons ainsi contacté le groupe. L’année dernière, nous jouions dans un festival en Espagne, nous étions à la moitié de la production de l’album et nous ressentions que certaines compositions auraient pu vraiment bénéficier d’un guest. Alors que Yannis jouait également là, nous l’avons approché et demandé s’il voulait participer à notre album. Je lui ai donné les compositions en lui demandant s’il y avait quelque chose qu’il aimerait chanter. Il nous a répondu qu’il appréciait effectivement « Vengeance Is Mine », donc ça s’est produit et nous l’avons enregistré. J’adore vraiment ce qu’il fait, il a une grande voix et du talent.
Il y a un côté symphonique et épique qui ressemble à une bande sonore, dans quel film aimeriez-vous trouver les morceaux de l’album ? Charlotte : Quelque chose comme « Hunger Games », je sais que ça fait un peu fiction pour adolescents, mais j’affectionne ce genre de série qui représente un monde dystopique avec un concept intéressant. Je pourrais probablement en nommer dix autres pour être tranquille, si je n’arrêtais pas d’y penser (rire). Il y a tellement de bons films. Martijn : Pour moi, ça serait quelque chose qui se rapporte à Star Wars ou un film avec de la guerre. Je pense que notre musique se rattache et correspond à ce genre de chose, comme les gladiateurs par exemple. Je suis aussi un grand fan d’Harry Porter et j’adorerais faire de la musique pour ça, mais bien sûr, ce n’est pas encore fait. (Rire)
Les paroles sont toujours importantes dans votre musique. Pouvez-vous me dire quels sont les sujets évoqués ici ? Je suppose qu’il y a quelque chose de dystopique ? Charlotte : Je pense que sur cet album, et sur la plupart des autres, les chansons ont toutes évolué autour d’un thème ou des sujets spécifiques. Ici, les paroles sont basées sur la peur, les défis écologiques et sociaux à résoudre, auxquels on fait face ainsi que l’expression superficielle que nous pouvons voir sur les réseaux sociaux… Cependant, ce n’est pas toutes les chansons qui évoluent autour de ces sujets, si on se base sur l’ensemble de l’album, vous pouvez retrouver des contradictions comme dans le titre de l’album « Apocalypse & Chill ». On trouve des titres dystopiques comme « Let’s Danse », « Creatures », « Legion Of The Lost ». Et de l’autre côté, des chansons avec un spectre plus personnel, avec des thèmes comme l’amour, la perte et la nostalgie, avec « We Had Everything » et « One Second ». On retrouve vraiment les deux aspects de la contradiction sur l’album.
Maintenant, parlons de la pochette de l’album qui est remplie d’éléments, peux-tu me dire ce qu’elle représente et qui l’a réalisée ? Charlotte : Sur la pochette de l’album, on peut voir une dame qui prend un bain de soleil alors que la ville en arrière-plan est en feu. C’est la même ambiance qui correspond au thème de l’album, symbolisant notre monde actuel qui est ici en feu. Pour la conception, j’ai rassemblé des images dans Photoshop et des mock-up pour en faire une maquette. Ensuite, nous l’avons confié à un artiste de collage afin de donner l’identité et l’authenticité qui manquaient. Il a travaillé vraiment de façon analogique en découpant des images et du papier. Puis, il a retravaillé l’image qui est devenue la pochette finale. Nous avons repris ce thème dans l’ensemble des illustrations, il a également donc œuvré sur des photos promotionnelles qu’on retrouve à l’intérieur du livret de l’album.
« Apocalypse et Chill » c’est un titre contradictoire, peut-on dire que le nom de l’album reflète également ce qui se passe dans notre monde en ce moment ? Charlotte : Il y a vraiment ce contraste quand vous regardez les nouvelles, quand vous ouvrez le journal et vous voyez que le monde est littéralement en feu, alors qu’à côté de ça, nous continuons à vivre parfaitement. Ce sujet et ce contraste étaient très intéressants à aborder. Mais aussi, « Apocalypse & Chill » provient de « Netflix & Chill » qui est très symbolique à notre époque, nous avons senti que le jeu de mots était vraiment approprié pour cet album.
J’ai beaucoup apprécié votre collaboration avec Glenn Arthur sur vos précédentes pochettes d’albums. Est-ce qu’on peut dire qu’il vous a apporté un style qui vous distingue ? Charlotte : J’aime beaucoup ce que nous avons fait avec Glenn Arthur, c’est l’un de mes artistes préférés. Nous avons commencé à bosser ensemble sur « We Are The Others » avec ce genre de style. Même si ici, on fait ce changement, je pense pouvoir affirmer qu’il y a toujours des éléments inspirés de son travail dans l’album comme le colibri par exemple. Son ton est très présent, il représente l’identité visuelle du groupe. Il y a comme une dépendance qui est restée, cependant c’est positif, car les gens peuvent reconnaître le groupe grâce au visuel et c’est très important de le garder.
Je me demande justement ce que signifie le choix du colibri dans votre logo ? Martijn : Ce colibri est une sorte de logo et je pense qu’il représente également notre musique. Car un colibri est une créature douce toutefois nous le lui avons rajouté un masque à gaz, ou encore, il est représenté avec une grenade dans un cupcake et ces contrastes correspondent vraiment à notre musique. C’est quelque chose qui représente Delain et ce colibri est devenu comme un logo auquel les gens nous identifient et reconnaissent.
Est-il vrai qu’à la base Delain ne devait être qu’un projet de studio avec plein de guest ? Martijn : Quand j’ai quitté Within Temptation, je voulais démarrer un projet avec des guests parce que je connais beaucoup de musiciens de différents groupes et c’est devenu Delain. Nous avons signé un contrat avec Roadrunner Records et ils nous ont demandé si nous pouvions jouer en live. C’est là que tout a commencé. Charlotte est arrivée très vite dans le groupe, nous avons réalisé ensemble le premier album « Lucidity ». C’est comme ça que nous sommes devenus tous des membres de Delain et nous avons grandi comme des visionnaires.
Et comment vous sentez-vous avec le recul par rapport à ce qu’était le projet au début et maintenant que vous tournez dans le monde entier et que vous avez fait plusieurs albums ? Charlotte : Je suis vraiment heureuse de la façon dont cela a tourné. Je ne pouvais pas imaginer, il y a quinze ans tous les endroits où nous avons tourné et les festivals dans lesquels nous avons joué. Nous avons réalisé six albums, trois EP et un DVD… Oui je suis évidemment reconnaissante pour tout ce que nous avons fait au cours de ces quinze dernières années.
Vous avez joué il y a trois ans au Durbuy Rock Festival, quels souvenirs gardez-vous de ce festival ? Martijn : Je me rappelle, il y a un bel environnement, c’était dans les Ardennes et je me souviens que c’était vraiment agréable et que j’en garde un bon souvenir. Charlotte : Je pense que la dernière fois, Arch Enemy et Lacuna Coil ont joué le même jour que nous et c’était très sympa de les croiser. Nous tournons tous beaucoup et nous ne pouvons pas souvent nous voir et je pense que c’est ce genre d’anecdotes que l’on peut avoir pendant un festival. Donc oui c’était vraiment une journée agréable.
Les Tambours Du Bronx, c’est plus de trente ans de carrière à explorer les styles et à se réinventer sans perdre leur authenticité à cogner sur des bidons. En 2018, la tribu révèle son nouveau concept et album « Weapons of Mass Percussion » mélange des sonorités Metal aux percussions. Durant leur passage Metal au Métaphone d’Oignies en février dernier pour leur show Metal, Dom, Franky, Renato et Thierry ont répondu à nos questions :
Pour commencer, comment s’est déroulée la fusion Tambours du Bronx avec du Metal ? Dom : Pour les trente ans des Tambours Du Bronx, on s’est rendu compte qu’on ne les a pas fêtés et que l’on n’avait rien prévu de spécial. Il y a de nombreux groupes qui font un super événement et nous, nous n’avions rien fait. On s’est dit tout simplement que c’était une forme de lassitude… Peut être le besoin de faire quelque chose de différent, mais quoi ? Les Tambours du Bronx, ce sont des mecs qui tapent sur des bidons et c’est ça que les gens viennent voir. Tu ne peux pas vraiment le changer donc on s’est questionné sur ce qu’on pouvait faire de nouveau. À ce moment-là, on avait rencontré presque par hasard Franky qui venait de quitter Dagoba. Il a acheté un DVD chez nous et on lui a glissé une petite connerie avec la commande : « si tu t’emmerdes avec Dagoba, il y a une place parmi nous ». Mais on ne savait pas qu’il avait quitté le groupe. On s’est croisé quand on a joué un concert à Marseille. On a fait un bœuf pour voir ce que cela donnait et ça a collé humainement et musicalement. Donc ça et en plus ce manque qu’on avait après la collaboration avec Sepultura, on s’est rendu compte que les guitares marchaient vraiment bien avec les tambours. Avec Sepultura, c’était une tournée qu’on aurait aimé faire un peu plus longtemps et qui s’est limitée à quelques très grands festivals. En résumé, c’est un tout, et à ce moment-là, on s’est dit que l’on allait faire ce concept de groupe de Rock/Metal et instrumental avec les tambours.
Peut-on dire que Sepultura fait partie des éléments déclencheurs de ce concept Metal ? Dom : Oui, c’est un des éléments déclencheurs. Outre ce petit manque laissé avec le concept qui était super sympa avec Sepultura, il y a eu la rencontre avec Franky. C’est véritablement un tout, avec l’envie en plus de se renouveler après trente ans de carrière.
En plus, vous avez eu l’occasion de vous reproduire en 2018 avec Sepultura au Motocultor. Est-ce vous pensez que vous avez l’opportunité que ça se reproduise ? Dom : C’est toujours imprévisible, il n’y a rien de programmé et je crois que la collaboration avec Sepultura est derrière nous. Après, ça reste des copains. Et puis, on est toujours susceptible d’avoir une opportunité, on peut se recroiser sur scène et décider spontanément de refaire un morceau ensemble ça c’est tout à fait possible, mais il y n’a rien prévu à long terme.
Est-ce que vous avez des idées ou des envies de collaborer avec d’autres artistes dans le milieu Metal ? Dom : Oui et non … Dans le sens pour nous, une collaboration avec d’autres artistes quels que soit leurs univers tant que ça nous touche et humainement on s’entend bien avec, on est en général ouvert à en faire. A contrario non, car avec Sepultura c’était les Tambours du Bronx qui jouaient avec un groupe de Metal alors que là c’est un album, un concert de notre groupe. Franky a intégré pleinement les Tambours du Bronx, les guitares, les morceaux (…) c’est nous de A à Z. La seule « petite exception », ce sont nos chanteurs qui participent à la facette Metal, mais ce sont bien plus que des guests, ils sont pleinement intégrés dans le groupe.
Comment s’est déroulée l’intégration des chanteurs dans les Tambours du Bronx ? Dom : Avec Franky, on a commencé à écrire l’album en instrumental, on n’avait pas prévu d’intégrer du chant au départ. Puisque depuis le début des Tambours Du Bronx, on a toujours eu quelques interventions vocales, mais c’était très peu chanté. C’est plus une tendance à scander quelques mots sur quelques morceaux. Thierry : Il n’avait pas cette orientation Metal, on a essayé de faire quelque chose avec des guitares, mais c’était plus industriel et moins mélodique. Dom : Donc, ce n’était pas du tout prévu et quand l’album instrumental est arrivé on était très content et fier. Mais on s’est dit que ça manquait vraiment d’un chanteur charismatique avec de beaux textes. Ensuite, on s’est posé la question et creusé la tête de savoir « qui ? ». On a fini par songer à Reuno, on s’était juste croisé, on ne pensait pas qu’il accepterait et il a dit oui tout de suite. Comme il n’était pas sûr de pouvoir faire toutes les dates, il a proposé de faire un duo avec Stéphane Buriez qui a accepté immédiatement aussi. Quand on s’est rendu compte que ça fonctionnait vraiment bien à deux au chant, Stéphane a proposé à Renato d’être pratiquement tout le temps à deux chanteurs. Et puis Renato est intervenu en plein milieu d’un festival, il a fait une chanson avec nous sans avoir répété auparavant. Comme ça, comme un chef et ça collait donc on l’a gardé. Renato : Tout à fait, à la base quand il m’a appelé pour rejoindre le groupe c’était pour les dépanner pour qu’on soit tout le temps deux chanteurs sur chaque spectacle vu qu’ils ont des agendas particuliers : Stéphane avec Loudblast et Sinsaenum et Reuno avec Lofofora et Madame Robert. Donc, ils sont tout le temps en tournée. On m’a appelé, c’est sympa et j’étais vraiment content. Depuis on tourne tous les trois et on fait autant de concert les uns que les autres, on n’appelle même plus ça des guests finalement.
Cette formule Metal est maintenant devenue un vrai projet concret ? Dom : À la base c’était un projet éphémère et maintenant c’est bien plus que ça, c’est une facette des Tambours du Bronx. Il y a toujours les « Tambours » en formule classique comme tout le monde les connait et finalement qu’on assume pleinement parce qu’on prend aussi plaisir à revenir à nos racines. Et ce côté Metal qu’on continue, car ça marche auprès du public et qu’on se fait aussi énormément plaisir à les jouer.
Pour toi Franky est-ce que c’était une sorte de challenge et une façon différente de composer ? Franky : Oui, c’était un challenge dès le départ parce que le jeu que j’avais dans Dagoba ou dans Blazing The Machine est vraiment Metal voir Metal extrême. Avec les Tambours Du Bronx, j’ai plus opté pour l’efficacité avec un jeu plus minimaliste et je suis vraiment content d’être au service des rythmiques des tambours. J’essaye de trouver le juste milieu entre un jeu percussif et inventif, mais qui complète le mieux possible la frappe des bidons. Je ne veux surtout pas prendre le pas sur les rythmiques des bidons, je veux juste rajouter une agressivité sur la grosse caisse et la caisse claire pour que le public puisse bouger la tête plus facilement, c’est ça mon objectif. Et pour revenir sur les premières questions, j’ai découvert la collaboration avec Sepultura en regardant les vidéos du Wacken et du Rock In Rio. Je m’étais toujours dit « waouh ça doit être super excitant de taper avec une caisse de horde de bidons ». Du coup c’est vrai j’ai acheté leur DVD pour m’inspirer de leur amplitude et la force de frappe des tambours étant un gros fan de Sepultura, Max And Igor Cavalera, Soulfly (…) avec ce jeu très tribal, très Metal, mais sud-américain ça me parlait beaucoup. J’ai essayé de sortir de mes habitudes pour aller vers ce créneau très « cavaleresque ».
Et pour toi Renato, est-ce que ça change quelque chose à ton chant d’avoir les tambours qui t’accompagnent ? Renato : C’est un peu compliqué de te répondre parce que malheureusement je n’ai pas écrit les morceaux de cet album c’est Reuno et Stéphane qui s’en sont chargé. Ils ont eu la lourde tâche de devoir coller aux tambours et exactement comme Franky d’être là pour servir les tambours plutôt que tartiner du chant. Ils te répondront mieux que moi ça c’est certain, mais pour le peu que j’ai commencé à composer c’est vrai que c’est un sacré challenge. Ce n’est pas du tout la même façon d’écrire que dans un groupe classique. Tu imagines la horde de Tambours que tu vas avoir derrière toi quand tu essayes d’écrire une petite ligne mignonne tu sais qu’ils vont complément t’allumer. Il faut à un moment donné plus taper dans l’efficacité qu’autre chose.
Je me demande comment ça se passe au niveau des concerts, est-ce que la formule consiste à mélanger le projet de base des Tambours Du Bronx avec celui du Metal ? Dom : Oui et non car c’est le concept des Tambours Du Bronx de toujours pousser plus loin. Si tu prends le concept depuis le début c’est simplement des mecs qui tapent des bidons et petit à petit on a compliqué les frappes, on s’est professionnalisé et on a rajouté des éléments comme de la mélodie. Pendant très longtemps ce n’étaient que des percussions et puis vers 2000 on a commencé à mettre quelques samplers pour ramener le côté électronique et le clavier est arrivé juste après. On s’est dit qu’on allait mettre quelques lignes mélodiques pour rendre les choses plus aisées et agréables à l’écoute également, on l’a développé et on a poussé le concept pour aller plus loin dans les mélodies, dans l’électronique et dans les samplers. Au final, le but c’était d’avoir cette mélodie tout en gardant l’élément principal et son efficacité, ça permettait avec l’électronique de jouer ce qu’on voulait. Cependant, le public ne le voyait pas, à part des personnes derrière un clavier et des bidons. C’est presque la même chose ici or tout est joué sauf qu’il n’y a pas des samplers, tu vois les musiciens et tu entends tout avec une connotation plus Metal et ce visuel change beaucoup de choses auprès du public.
Donc, le projet continu sur le long terme. Vous avez prévu un second album ou votre objectif est de continuer à tourner un maximum ? Dom : Avec Les Tambours Du Bronx on a deux tournées : Classique et Metal tout le temps. Là, je pense qu’on est un peu sur la fin de la tournée de « Weapons of Mass Percussion », ce premier album on aimerait le ramener à l’étranger, car il est sorti uniquement en numérique. Il y a notre show classique qui revient et se revend fort, car je pense que ça crée une certaine attente donc on repart sur ces concerts et en même temps on commence à travailler sur un nouvel album.
Pour toi Renato, ça change quelque chose de jouer devant un public assez varié à la fois familial et Metal ? Renato : Il y a les deux publics et c’est ça qui est vraiment incroyable, c’est très éclectique. Tu as les fans qui sont là depuis trente ans qui viennent voir des spectacles de percussions, qui se régalent à chaque fois et quand ils débarquent face à la formation « WOMP » ils sont un peu déstabilisés. Globalement entre ce public et la nouvelle vague de fans qui arrive purement metalleux qui ont déjà vu la formation avant, ça fonctionne dans tous les genres de festival. C’est donc un public mélangé qui va de douze ans à soixante ans. Ce qui nous fait le plus plaisir, c’est de voir des personnes qui ne sont pas du tout le genre des metalleux danser et secouer la tête depuis la scène… et là, on se dit qu’on a gagné.
Pour conclure est-ce que vous pouvez résumer l’esprit des Tambours Du Bronx ? (Tous en même temps) : Pirate Franky : Il y a un côté tribal indéniable également. Dom : Un côté transe qui n’est pas calculé, ça prend les tripes et ça s’installe de lui-même. Franky : Je pense que les gens viennent depuis des années beaucoup pour ça. Ce côté tribal participe à une transe durant une heure et demie. Dom : Il faudrait qu’on pense faire des sacrifices pour essayer des trucs nouveaux (rires). Renato : J’ai ramené des poussins ça pourrait fonctionner (rires). Thierry : On nous demande toujours de faire des choses nouvelles. Dom : Je ne sais si c’est vraiment si c’est nouveau le sacrifice ? Il me semble ça déjà été fait par le passé. Mais on peut sacrifier autre chose que des poulets. À chaque concert un membre du public et une entrée gratuite pour celui-là. (rires) Franky : Il y a également un esprit punk. Dom : Exactement, le groupe existe depuis trente ans et on ne vient pas tous du même milieu, au départ c’était plutôt des rockeurs et des punks. Ensuite, il y a la nouvelle vague qui est arrivée qui n’est plus toute fraîche (rires), c’était plus Hip Hop et hardcore. J’espère qu’on le ressent par l’attitude et sur scène que c’est autant Metal que punk. Ce qui fait le style des Tambours Du Bronx c’est ce mélange, c’est le fait qu’il y a tous les âges et tous les styles : Rock, Metal, punk, Pop, Hip Hop (…) c’est ce qui fait la richesse des morceaux. Franky : Sur scène il y a quelque chose de très extrême presque décadent sur les bords. Dom : Il y a toujours eu cette attitude, même sur les guitares, c’est ça qui est intéressant. Franky : C’est pour cette raison, je trouve le terme punk il correspond très bien.
Nicolas Zikovitch (chant, guitare, basse) et Louis Lambert (guitare, basse, percussions), tous deux membres de Ddent, ont unis leur talent pour former KRV (qui se prononce kurv et signifie sang en serbe) et accoucher d’un premier album envoûtant. La froideur des machines y rencontre la puissance noire d’un black metal originel pour donner naissance à un univers sinistre. Les deux musiciens racontent la genèse de cette pépite damnée.
Peux-tu revenir sur la naissance de Krv ? Louis : J’ai rencontré Nicolas lorsque je cherchais un nouveau bassiste pour DDENT. Nous avons assez vite sympathisé, et il a assez vite évoqué le désir de faire un album/groupe Black Metal dont il serait à la tête, sans encore trop savoir sous quelle forme. Il m’en a toujours parlé en fait, c’est vraiment un projet qui n’existait pas, mais dont j’entendais parler régulièrement ; c’est un travail de longue haleine pour lui. Puis les années sont passées, et il commençait à y voir plus clair dans ses envies. C’est à ce moment-là qu’il m’a proposé que l’on collabore sur cette idée. Nicolas : J’écoute du Black Metal depuis très longtemps et j’ai toujours voulu monter un groupe dans ce style. Mais voilà, trouver des musiciens voulant jouer ce genre musical tout en partageant ma vision n’est pas facile. J’avais essayé à la fin des années 90, mais le style de l’époque était le tout symphonique ce qui n’est pas ma came, surtout d’un point de vue compositionnel. Quand j’ai intégré DDENT et appris à connaître Louis, je me suis dit avoir rencontré quelqu’un partageant ma vision tout en injectant son style personnel que j’apprécie. Je lui en ai parlé et il m’a dit qu’il était partant sans avoir entendu une note.
Comment as-tu travaillé avec Nicolas sur ce projet ? Louis : Eh bien disons que j’ai eu un rôle de producteur, dans le sens anglais du terme dans un premier temps : accompagner un artiste qui a une assurance du concept qu’il veut exprimer, dont le projet est réellement mûri, personnel et réfléchi, mais qui va avoir besoin d’un binôme pour offrir une forme concrète et musicale à ses idées. Il m’a donc tout d’abord fourni ses premières démos, des riffs de guitare et de basse séparés en 6 morceaux. Puis, il est venu poser des voix dans mon studio. C’était à ce moment-là de l’esquisse niveau vocal, il s’agissait de mieux comprendre comment il percevait ses morceaux, quelle intensité il voulait donner aux différents passages. Il savait déjà de quoi il parlait, mais n’avait pas encore écrit toutes ses paroles. Je démarrerais donc le travail de structure en composant les batteries et en structurant les morceaux pendant qu’il écrirait ses textes. Une fois les morceaux structurés, on s’est mis d’accord sur leur forme, les rythmes/pattern vocaux, les nouveaux riffs et contre-chants… Puis nous avons commencé la phase 2, le vrai enregistrement. Il est venu refaire toutes les voix, cette fois avec ses textes et en les plaçant différemment, selon les nouvelles compos. Derrière, j’ai enregistré les guitares et les basses. J’avais entre temps produit les batteries électroniques. Renaud Lemaitre (batteur de Fiend entre autres) a joué par dessus des batteries acoustiques sur certains passages, souvent les plus lents, pour ajouter un peu de lourdeur et d’organique ; cela réchauffe un peu l’atmosphère assez glaciale que confèrent les drums midi. On s’est donc parfaitement complété. Je tenais impérativement à ce que Krv reste le fruit de son esprit, que j’y mette ma patte en endossant ce rôle certes, mais sans jamais dénaturer son propos. S’il en incarne le fond, l’essence du projet, je m’attelle ici à la forme, de manière assez pragmatique. Il s’agissait vraiment d’aider à donner forme à ce qu’il avait en tête en l’accompagnant, et non y mettre disons de mon ego ou trop de mes idées. Je me suis limité à donner forme à ses envies. Je pense qu’en faisant appel à moi, il voulait aussi cela, mais avec ma touche sonore, et ma compréhension de son projet que je commençais à assez bien me représenter ! Nicolas : J’ai tout composé et enregistré sous forme de démos, les guitares et la basse, puis j’ai rajouté les voix. Louis a ensuite joué son rôle de producteur/arrangeur. On s’est échangé les morceaux et de fil en aiguille nous avons trouvé l’équilibre voulu. Je tiens à préciser que j’ai toujours voulu que Krv reste une collaboration. De plus Louis à un jeu de guitare plus élevé que moi.
Louis, tu as produit le disque. Pas trop difficile d’endosser ce rôle en plus de ceux d’instrumentiste et de compositeur ? Louis : Non au contraire, c’est même génial et moins compliqué quand on gère toute la ligne de production d’un disque. On en connaît tous les secrets et moindres détails ; on peut aller au plus proche de ses envies sans passer par une tierce personne. C’est une immense forme de liberté, il n’y a aucune contrainte ou impossibilité, on fait ce qu’on veut et peut avec ce que l’on a, tout est plus facile quelque part ! On n’a pas un interlocuteur différent pour chaque point. Rien n’est laissé au hasard, tout est maîtrisé, tout est justifié. Pour la composition initiale, tout est de Nicolas : je n’ai pas été à l’initiative d’un seul morceau et je le ne serai jamais dans ce projet ! C’est plutôt un travail d’arrangeur que j’ai eu sur les structures et placements de riffs, de lignes de voix… J’arrive après lui.
Ddent vient aussi de sortir un album. Comment gères-tu cette période sans doute intense, et compliquée par le confinement ? Louis : Assez bien au final. Malgré le lot de tristes nouvelles qu’a apporté la pandémie, ça m’a été assez bénéfique sur un aspect vraiment personnel. J’ai pu passer beaucoup plus de temps que d’habitude sur les postproductions des disques en cours et les promos. J’ai aussi eu du temps pour moi, en étant moins systématiquement pressé par le temps. Pour une fois, c’était une abondance de temps, et c’est agréable. Nous avons eu beaucoup de concerts annulés, surtout ceux liés à la promotion du nouveau DDENT, ainsi que les premières soirées Chien Noir qui étaient en cours de préparation pour la période mai-juillet. Mais c’est comme ça… J’ai préféré maintenir les sorties de disques, séparer ça du live, et nous jouerons quand nous jouerons, sans nous presser.
Qualifierais-tu votre musique de Black Metal ? Louis : Oui bien sûr, mais entre autres, comme toujours. Ce n’est pas strict, je n’aime pas les appellations rigides ; ça enferme énormément un projet de le faire rentrer dans une case, souvent en forçant pour que les coins passent. En l’écrasant comme cela, on en oublie vite toutes les spécificités, tout ce qui dépasse et qui le rend unique. Les projets récents qui se rapprochent d’une étiquette stricte comme cela sont généralement les plus emmerdants, je ne vois pas l’intérêt de faire du Black Metal pur et dur aujourd’hui. Nicolas : Oui. Mais le Black Metal reste un genre très varié, qui a pris plein de tournures depuis ses débuts. Krv est notre vision de ce style, mélangeant l’orthodoxie et le fait que nous sommes en 2020. Nos influences varient par rapport à nos goûts et à nos âges différents.
Pourquoi avoir donné un ton très mécanique, indus à votre musique ? Louis : C’est ici un choix de ma part. Dans ce rôle de producteur ; c’est le son que j’ai à offrir. J’utilise sur tous mes projets des drums machines, plus ou moins froides selon les groupes et les morceaux, toujours industriels, ça fait partie de ma touche. C’est un aspect que j’aime plus que tout, le côté froid , mécanique, immuable même de l’electro. C’est imparable, je trouve. Je n’aurai jamais abordé Krv avec une batterie acoustique en premier champ, et je pense que ça fait partie de ces détails, parmi d’autres, qui font que le projet se démarque d’un black métal traditionnel. Et bien sûr, Nico savait ça en me proposant de bosser avec lui : c’était aussi une volonté de sa part ! Nicolas : Le ton indus et mécanique rajoute et renforce le côté froid et sans âme de ce projet, le dénuant quasi complètement de matière organique et le renforçant dans sa noirceur. Le vide émotionnel se trouve alors redéfini et renforcé. La technologie de maintenant nous permet de varier beaucoup plus ce côté « machines ».
Le nom du disque est celui du groupe. Pourquoi ? Nicolas : Krv veut dire sang en serbe, et en slave de manière générale. Le sang humain et le sang de la terre peuvent prendre plein de formes différentes. C’est notre premier et on a voulu garder une certaine tradition, celle de ne pas nommer son premier album.
Quelques mots sur la pochette et l’artwork en général ? Louis : Le logo et la pochette ont été réalisés par Seb Sm Bousille, un ami et artiste qui est, je dois dire, systématiquement impliqué de près ou de loin dans mon travail. Qu’il fasse les artworks (DDENT, NNRA), les projections sur scène (NNRA), ou m’aide à la conception de clips (DDENT) et même à trouver parfois les titres de mes morceaux (DDENT), c’est quelqu’un avec qui j’ai toujours travaillé. On se comprend très vite et on se complète assez bien : je suis dans le son, il est dans l’image, on sait bosser ensemble. Pour Krv, on lui a demandé de nous faire le logo. Avec l’influence serbe du projet par les origines de Nicolas et le nom même du groupe, Seb à décidé de s’inspirer des formes des premiers alphabets cyrilliques pour écrire le mot Krv, mais gardant une esthétique assez « black », mais sobre. Pour la pochette, après entretien avec Nicolas sur les paroles et concept de l’album, Seb a décidé de produire une image se rapprochant du pétrole, avec le mot Krv. Nous avions la volonté de rester très sobres sur le côté visuel de ce premier album (typo comme artwork), ne pas donner trop d’indices visuels si tu veux, pour ne pas guider l’écoute en quelque sorte. Je pense que l’identité visuelle de ce projet viendra dans un second temps, nous voulions que la musique prime pour cette première sortie. Nicolas : L’artwork du livret représente des moments et des endroits ayant influencé l’écriture et l’atmosphère de l’album.
Quels thèmes aborde Krv ? Nicolas : Malgré toutes nos illusions et notre arrogance, nous ne faisons que partie d’un processus naturel tellement énorme et sans sens que l’humain s’est retrouvé à devoir se créer une raison à sa question existentielle. Nous sommes nés dans des sociétés qui nous imposent leur pacte social, leurs traditions, leur histoire, leur culture et leurs crimes sans notre consentement. La magie et la méditation nous permettent de nous transcender, mais dans la transcendance nous découvrons le vide et devons accepter notre illusion existentielle et le gouffre. Seulement à ce moment, nous ferons partie de la nature, cette nature qui nous a joué un tour en nous donnant la conscience. En la détruisant, nous nous détruisons. Nos dieux, héros et gouvernements s’écrouleront et disparaîtront. La nature continuera sans même avoir eu conscience de nos vaines sociétés, de notre vaine existence. En gros, amusez-vous pendant cette courte erreur qu’est votre vie. Vous n’avez qu’une chance puis c’est la mort.
Pourquoi chanter en trois langues ? Nicolas : Je suis américain, mais mes parents sont français et serbes. J’ai toujours baigné dans ces trois cultures, elles forment mon moi. De plus linguistiquement parlant chacune permet d’exprimer mes sentiments de manière différente. Chaque langue a un impact différent, qui change aussi le fluide des mots et le sens des paroles. J’ai toujours aimé les groupes qui chantent dans leurs langues natales et j’en ai trois.
Comptez-vous défendre Krv sur scène ? Louis : Oui bien sûr ! Nous serons 4 : Nico au chant, je serai à la guitare, puis basse et batterie acoustique sur scène. On a trouvé les musiciens, ils ont déjà appris l’album par cœur de leur côté grâce au confinement ! Nous avons déjà des dates prévues pour cet hiver a priori. Nous voulons garder un truc assez punk en live, être un peu plus minimalistes sur scène. Nicolas : Oui. Je ne me consacrerai qu’au chant pour une fois. Il est important que ces morceaux prennent une autre vie en live qui leur donnera un autre rendu que sur disque.
À plus longue échéance, Krv est-il destiné à devenir un groupe à part entière ? Louis : C’est un groupe à part entière ! D’ailleurs, l’album qui vient de sortir a mis du temps à voir le jour. Nico m’a fourni les démos en décembre 2018, mais en réalité, nous travaillons déjà sur le deuxième album… Nicolas : Pour moi c’est un groupe qui va suivre son propre chemin. Le deuxième album est composé.
Avec Kreator, Sodom et Tankard, Destruction fait partie des ancêtres du Thrash en Allemagne, nommé aussi « The Big Teutonic Four ». Raison pour nous de parler avec le chanteur et bassiste Marcel Schirmer, dit Schmier, peu avant son concert à Trèves.
L’année dernière, j’ai fait une interview avec un groupe de Thrash américain qui s’est formé la même année que vous, en 1982. Death Angel m’a révélé des choses intéressantes sur le début du Thrash dans le Bay Area. Comment as-tu vécu son début en Allemagne ? Eh bien, les premières années n’ont pas été faciles, car il n’y avait pas encore de milieu. Il n’a vu le jour qu’avec un festival qui se tenait à Dortmund à l’époque. Et c’est à ce moment que le premier Metal Hammer est sorti. C’est ce qu’on appelle « the birth of the German scene, the first recognition » où on remarquait qu’il existait une scène de Heavy Metal chez nous. C’était en 1982 et les gens communiquaient encore avec des correspondants à cette époque. Il n’y avait pas un seul magazine de Heavy Metal Allemand avant le Metal Hammer ! Nous avons toujours commandé le magazine britannique « Kerrang » qui était le seul magazine de Heavy Metal en Europe. Ainsi, nous avons obtenu les dernières infos sur ce qui se passait. Nous avons pu découvrir, entre autres, que Metallica avait signé un contrat avec une maison de disques. C’est ainsi que nous avons échangé des idées à l’époque. Ensuite, nous avons fait nos premiers concerts avec Kreator, qui s’appelaient encore Tormentor, et Sodom. Des groupes comme Iron Angel et Rage étaient déjà là. C’était un tout petit milieu au début qui grandissait et nous étions en plein milieu ! C’était hyper intéressant parce que personne ne pensait faire de l’argent ou devenir une rock star ; nous l’avons tous fait parce que nous pensions que le Heavy Metal serait cool et nous voulions faire de la musique et sortir un peu de la vie normale, être un peu différents. Ce qui en est devenu plus tard est incroyable !
Il y a quelques mois, de jeunes Thrasheuses Brésiliennes jouaient ici au Mergener Hof. Ah, Nervosa ?
Exactement ! Comment vois-tu votre Thrash de l’époque comparé au Thrash actuel ? Il y a beaucoup de groupes qui mélangent les styles, comme Legion of the Damned avec le Death Metal et aussi un peu de Black Metal. Et puis bien sûr, il y a un bon nombre de groupes qui rendent hommage à ce que nous avons fait ; ils sonnent comme Exodus, Destruction ou Slayer. Je trouve intéressant de voir comment tout se développe. Quand nous sommes revenus en 1999 avec le line-up original, il n’y avait plus de groupes Thrash jeunes, tout le monde jouait du Death Metal Mélodique ; Thrash n’était plus la tendance. Metal Hammer Germany écrivait à l’époque : « Pourquoi Destruction reviennent-ils ? Personne n’en a besoin ! » Cependant, en fin de compte, ce fut la première étincelle pour réanimer la scène. Nous avons tourné avec Kreator et Sodom en 2001, des choses se sont passées et beaucoup de jeunes ont de nouveau entendu du Thrash. Il y a beaucoup de nouveaux groupes aujourd’hui. On me demande toujours : « Qui sera le prochain gros groupe de Thrash parmi les jeunes groupes ? » Difficile à dire. Mais il est essentiel que la scène continue d’exister ! Quand les anciens groupes partiront, de nouveaux groupes perpétueront, c’est important. De jeunes fans m’envoient beaucoup à écouter sur YouTube. La qualité est incroyablement bonne maintenant !
Pendant vos débuts, les musiciens pouvaient encore gagner de l’argent avec la vente de vinyles ou de CD, puis Napster a vu le jour et les téléchargements illégaux. Aujourd’hui, les services de streaming paient mal leurs artistes. Mais grâce à YouTube, des jeunes d’autres continents peuvent découvrir votre musique. Comment vois-tu le business actuel ? Oui, c’est la même chose avec Spotify. Le gros avantage des médias modernes est que lorsque notre disque sort, le fan du Brésil, du Guatemala, des Philippines ou du Japon peut l’entendre immédiatement. Le disque sort à minuit pile. Dans le passé, les fans devaient importer les disques de manière étrange. Le grand bénéfice est que les fans ont tous l’album le même jour. C’est pourquoi je ne suis pas un ennemi du progrès. Il y a des avantages, mais comme tu l’as dit, on est mal payé. Bien sûr, il y aura toujours des vinyles et des CD, mais d’une autre manière : le CD sera un « special item », vous en produisez peut-être 2000 ou 5000 avec une édition spéciale, et c’est tout. Le monde change et la scène musicale aussi.
Avec Damir, vous vous êtres renforcés, avez un jeune guitariste motivé. Comment se fait-il ? Il n’est plus si jeune, il a juste l’air jeune ! (rires)
Pourtant, Michael et toi, vous êtes d’une autre génération. C’est vrai. Mais ça se passe très bien. C’est un musicien pur-sang avec beaucoup de passion, un grand musicien et un bon gars. Il est toujours de bonne humeur. C’est un complément parfait à Destruction.
Sa femme Romana a fondé les Burning Witches. Toi et ta copine Liné êtes aussi dans le coup. Comment les soutenez-vous ? Je suis plus ou moins leurs manager, producteur et bonne à tout faire. Je veille à ce que les filles prennent les bonnes décisions, ce qui est très difficile en ce domaine aujourd’hui. Ma copine fait des graphismes et prend des photos. Damir est le mari de Romana et c’est ainsi que nous nous sommes connus grâce aux filles. Romana est venue me voir et m’a dit qu’elle aimerait créer un groupe de filles — son grand rêve. Je lui ai dit quand tu as tout ensemble, je t’aiderai, je te donnerai des conseils et puis on verra. C’est comme ça que tout a commencé, juste pour le plaisir. Et puis tout à coup, tout est devenu très professionnel et tout s’est développé rapidement. Maintenant, elles sont un des meilleurs groupes néophytes. Elles le méritent bien, ce n’était pas facile. La chanteuse est sortie cet été, ce fut une phase très difficile. Il était important que les filles continuent de croire en elles. De nombreux autres groupes se séparent ou se querellent. Je pense que lorsqu’on entend le nouvel album, on peut voir qu’ils sont sur la bonne voie et qu’ils s’améliorent de plus en plus.
Passons à votre musique. L’album actuel « Born To Perish » est à mon avis un des meilleurs disques de Destruction et peut-être même le meilleur album depuis vos retrouvailles en 1999. Comment décrirais-tu cet album ? Le dernier album est toujours le meilleur (rires). Non, mais il a également été très bien accueilli par les fans. Cela montre que même après de nombreuses années, le groupe peut toujours écrire quelque chose de frais, qui sonne bien et qui ressemble à Destruction. Et c’est aussi bien pour nous de travailler avec une nouvelle formation, avec un vent frais et, enfin, une deuxième guitare. Il y a toujours des jalons dans la vie d’un musicien. Au début le premier disque, puis le premier disque qui connaît du succès, puis le disque où le groupe se sépare, puis le disque où le groupe se réunit et maintenant ce disque où nous avons un nouveau line-up. Je pense que l’album actuel se démarquera un jour dans la discographie du groupe. Nous sommes heureux qu’après toutes ces années, les fans soient toujours aussi enthousiastes. Car ce n’est pas évident d’être en mesure d’écrire à chaque fois le meilleur album. La musique c’est aussi de la magie ; l’ambiance doit être là et aussi la chimie du groupe. Tout allait bien cette fois-ci. Nous ne sommes plus les plus jeunes, il faut toujours écrire chaque album comme si c’était le dernier !
Dans le temps, vous aviez décrit votre style comme « Black Satanic Hardcore Speed Metal » dans une annonce dans le Metal Hammer. Je pense que c’était un peu ironique ? Non, non ! C’était bien le cas ! Jadis, il n’y avait pas de Black Metal, il n’y avait pas de Hardcore, ces termes n’existaient tout simplement pas. Ils ont tous été inventés qu’en 1985/86. À l’époque, nous avons essayé de décrire notre musique. Nous avions des paroles choquantes, nous étions extrêmement agressifs et nous avons essayé de décrire notre style de musique. Et tout cela s’est fait avec du Black, du Hardcore et du Speed. Les styles n’ont été créés que plus tard, tout comme le terme de New York Hardcore. Beaucoup de gens ne le savent pas, mais il n’y avait pas ces termes au début, ils ont été trouvés plus tard. Il n’y avait que du Heavy Metal et du Hard Rock, puis tout a grandi.
Si tu évoques le Black Metal : je me rappelle que ses représentants-cultes Euronymous et Abbath ont appelé Destruction un « modèle » et une « inspiration ». Tu te sens flatté ? Oui, les premières productions de Destruction étaient très importantes pour Black Metal.
C’est presque un adoubement ! Oui, cool ! C’est aussi le cas pour de nombreux groupes de Death Metal en Floride comme Obituary, Deicide, etc. Ils ont également été influencés fortement, c’est bon à voir.
Il y a exactement 36 ans… Oh, il y a trop longtemps, je ne m’en souviens pas ! (rires)
Si, bien sûr, à l’époque, tu étais en tournée avec Slayer. Ah, oui, bien sûr !
Ils ont fait une tournée d’adieu l’année dernière, même si ce n’est peut-être pas encore la fin du groupe. Oui, on verra.
Contrairement à eux, Destruction ne se lasse pas de tourner. Où vois-tu le groupe dans le futur ? Se reposer, c’est rouiller on dit, n’est-ce pas ? Je pense qu’en tant que musicien, la retraite ne vient pas à l’âge de 65 ans. En tant que musicien, tu joues aussi longtemps que tu t’amuses et aussi longtemps que les fans veulent t’entendre. Mais bien sûr, tu as tes pensées parce qu’un changement viendra. C’est comme tu l’as dit avec Spotify, le musicien est moins payé qu’avant. Y aura-t-il encore de la musique telle quelle dans dix ans ? Y aura-t-il encore des concerts de la même façon ? On ne le sait pas. Mon rêve est de continuer aussi longtemps que je puisse le faire. L’exemple des générations avant nous démontre que cela fonctionne. Même Ozzy Osbourne est toujours sur scène ; mais certes, il est moins en forme que dans le temps. Il y a encore des groupes comme Uriah Heep ou Saxon ; Biff a déjà soixante-dix ans, non ? Judas Priest vient de sortir leur meilleur album des vingt dernières années.
Oui, Rob Halford est encore fort. Oui, très fort ! Il est donc possible de faire ce genre de musique pendant longtemps. Bien sûr, Thrash Metal est le fer de lance du metal extrême et nous serons les premiers musiciens Thrash à prendre notre retraite. Il faudra donc voir combien de temps on pourra encore continuer. Si vous êtes les Rolling Stones et vous jouez « juste » du Rock’n’roll, ce n’est pas plus facile que de jouer du Thrash Metal. Mais je suis convaincu que nous aurons encore quelques belles années !
Je croise les doigts pour toi, tu es toujours en grande forme sur scène ! Merci. Oui, je pense que lorsque tu nous vois sur scène, tu ne penses pas qu’il y a des vieillards au travail (rire). La musique te garde jeune, on peut le voir chez des musiciens de tous genres, que ce soit du Jazz, du Blues ou du Metal. La musique te maintient jeune !
Joli mot de clôture. (Rires) Merci !
Amenra a toujours mélangé l’art avec l’intensité de sa musique pour rendre l’expérience unique, leurs projets sont toujours aussi riches et diversifiés. Après avoir célébré leurs vingt ans l’an dernier avec une série de concerts mélangés à des performances artistiques, ils nous proposent un livre "Het Gloren", un résumé de ces expériences. Également cette année, un documentaire "Flood of Light" a vu le jour. Colin a répondu à nos questions concernant l’univers du groupe et ces multitudes de projets :
Pour commencer, Amenra a toujours eu une forte image artistique. Est-il important pour toi de combiner votre musique avec toutes ces formes d'arts ? Il est extrêmement important pour nous que tout ce que nous créons puisse se suffire à lui-même. Mais lorsque l'on réunit toutes les différentes formes d’art, cela renforce l'ensemble de nos créations. Nous avons vraiment fait particulièrement attention aux détails dès les premiers jours.
Pouvons-nous également dire que pour votre groupe qui propose une musique intense, il est important d'offrir une expérience unique lors de votre concert ? Il est très important que ce soit une expérience différente de celles que vous avez déjà vécues. Quelque chose que vous gardez avec vous, pendant longtemps. Un moment dont vous vous souviendrez.
L'année dernière, Amenra a célébré son 20e anniversaire avec une série de concerts accompagnés de diverses performances artistiques, comment avez-vous vécu cette expérience ? C'était très stressant avant et pendant la journée elle-même. Ensuite, il est très gratifiant de regarder en arrière.
Avec ces événements en association avec la ville de Menin, il y a eu une exposition "Het Gloren" ; pouvez-vous m'en dire plus ? Et cette exposition et ces événements ont abouti à la publication d'un livre intitulé également "Het Gloren". Pouvez-vous m'en dire plus ? Grâce à Chiel Vandenberghe, le directeur du musée et du centre culturel de Menin, nous avons eu l'occasion de documenter l'exposition. Bien sûr, nous avons saisi cette opportunité à deux mains, et nous avons essayé de capter l'événement dans son intégralité dans un livre. C'est peut-être l'un des événements les plus intenses et les plus profonds que nous ayons vécus au cours de ces vingt années. Nous avons donc demandé à nos amis de nous aider et d'avoir ce livre pour mieux éclairer ce que nous faisons avec le groupe et son milieu. Il documente les trois jours de l'événement, les spectacles acoustiques avec Ozgur Naba, la construction de la statue par Johan, la construction du bûcher par Barth. Il comporte les histoires de tous les artistes sélectionnés pour l’exposition, c'est un focus sur ce qui entoure notre musique.
Je pense que votre concert à l'Ancienne Belgique avec votre interprétation de la suspension a été quelque chose de vraiment spécial et une expérience très forte ? Vous pensez bien. C'est le cas.
Vous avez collaboré avec le sculpteur Johan Tahon pour votre concert spécial "Fire Ritual". Pouvez-vous expliquer pourquoi vous avez choisi de révéler cette sculpture au travers du feu ? Et que signifie cette sculpture pour vous ? Cela signifie l’espoir et le renforcement, c’est un symbole de force partagée. La révélation par le feu c’est de détruire et reconstruire, afin de tout purifier.
J'imagine votre déception de voir que cette sculpture a dû être déplacée parce qu'elle est considérée comme "satanique" ? A-t-elle trouvé un nouvel emplacement permanent ? Pas encore, la statue va faire sa propre tournée. Elle sera présentée à La Haye, aux Pays-Bas, pendant le festival Grauzone, où je me trouverai. Elle fait partie d'une exposition d'art organisée par le sculpteur de la statue, Johan Tahon. (https://www.facebook.com/events/837305810041499/)
Vous avez joué dans des lieux spéciaux ayant une forte signification tels que des églises et un crématorium. Comment expliquez-vous ce choix ? Ces lieux ont-ils un symbolisme personnel ? La plupart des églises où nous avons joué étaient à des dates clés ou aux environs de celles-ci, elles correspondent au décès d'un être cher ou la naissance d'un être cher. Des lieux où ces êtres chers ont eu leurs cérémonies, ou ont été incinérés. Dans nos performances en live, nous utilisons des visuels pour sortir les gens du contexte habituel d'une salle de concert, ou d'une sortie du vendredi soir. Ici, nous sommes en plein cœur de ces lieux atypiques : des bois, des grottes, des églises, etc.
Y a-t-il un endroit où vous voulez vous produire, mais dont vous n'en avez pas encore eu l'occasion ou ce n'est pas possible ? J'ai toujours rêvé de jouer sur un champ fraîchement labouré sous la pluie battante.
Vous avez été mis au défi de composer une nouvelle bande-son pour un film culte et la jouer en concert et vous avez choisi "The Mirror" de Tarkovski... Pourquoi avez-vous fait ce choix ? Et en quoi cela représente-t-il la philosophie d'Amenra ? Ndlr : L’événement devait avoir lieu en avril et reporté à la même période en 2021 https://www.facebook.com/events/422607578620721/ & https://www.facebook.com/events/780217812453848/ Le travail de Tarkovski a toujours été très inspirant pour nous. Au début, nous utilisions ses images, comme des visuels, avant de commencer à faire les nôtres. Son influence est indéniable. La liberté de son travail, et les différentes facettes de celui-ci sont incomparables. La poésie dans la réalisation de ses films. Le fait d'impliquer son père et sa mère dans ses films donne un sentiment de similitude avec notre façon de travailler, et nous permet de la garder près de notre peau. Ne pas prétendre être quelque chose ou quelqu'un d’autre.
Je me souviens avoir vu une vidéo annonçant un documentaire pour célébrer votre 20e anniversaire. Où en êtes-vous avec ce projet ? Notre ami et photographe Bobby Cochran l'a terminé il y a une semaine. En ce moment, nous étudions la question de savoir où nous allons le présenter en première. Nous en sommes extrêmement fiers. C'est un document très précis, qui implique tous les membres principaux. Il a fait un excellent travail, faire des documentaires est probablement la chose la plus difficile qui soit. Ndlr : Le documentaire se nomme " Flood of Light" , ce film est d'une durée d'1h39. Il devait être diffusé dans différents cinémas, cependant ça n’a pas eu lieu dû aux conditions actuelles. De ce fait, il est rendu disponible à la location sur la plateforme Vimeo.
Vous avez un projet artistique que vous souhaitez réaliser, mais que vous n'avez pas encore pu faire ? Nous en avons des tonnes. Cette année, nous écrivons la musique d'un film d'Andrej Tarkovski intitulé “The Mirror” " - c'était l'un de nos projets depuis quelques années. Une fois la musique écrite, nous ferons un certain nombre de concerts. Un autre projet serait de travailler sur un spectacle de danse contemporaine. Peut-être un opéra. Il est incroyablement intéressant d'apprendre des autres artistes en dehors du confort de votre "niche". C'est incroyablement intéressant d'apprendre d'autres artistes en dehors du confort de votre "niche". Nous aimerions mettre en scène notre propre court-métrage. Les livres sont toujours un défi et très enrichissant. La liste est infinie.
Et pour conclure, l'année 2019 étant une année très chargée pour Amenra, quels sont vos projets pour cette année ? Nous avons toujours beaucoup trop de projets et pas assez de temps. Notre chemin est sans fin.