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Chroniques (703)

14.12.20 10:43

VIKING QUEEN - "Hammer of the Gods"

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Vous souvenez-vous de cette drôle d’époque d’internet où tout était qualifié « d’epic » ? Phénomène assez inexplicable s’apparentant plus ou moins à un synonyme de « cool » ou de « génial », on le casait pour un peu tout et rien. Et dans le cadre de la musique de Viking Queen… On doit admettre que c’est un peu ça aussi, à moins qu’il ne s’agisse d’un pléonasme ? Le Heavy, genre pionnier et très métamorphe à ses débuts, a une belle proportion de groupes lyriques et grandiloquents et en ce sens, Viking Queen ne paraît pas se démarquer outre mesure. Là où on sera peut-être légèrement plus surpris, c’est dans le fait de retrouver de la mythologie nordique (à l’ancienne donc, où le folk et le power n’avaient pas encore tout grignoté !), mais également d’y retrouver une voix féminine. On aimerait ne plus avoir à en faire un argument coup de poing, mais ça fait toujours rudement plaisir d’entendre le travail de musiciennes. Dernier élément, et non des moindres, c’est le côté assez sentimental de l’album, semblant presque proposer une succession de balades entrecoupées de quelques riffs hargneux alors qu’on a davantage l’habitude de l’inverse. Le morceau « Knives through my heart » (l’un des meilleurs de l’album d’ailleurs) aurait clairement pu clore un album de Heavy classique. Ici, c’est le troisième titre de l’album. On retiendra par conséquent surtout cela de cette première production de Viking Queen : une voix magnifique, un rythme plus posé… qui n’excluent malheureusement pas une courte lassitude en milieu de parcours. C’est que malgré ces petites touches perso, cela reste du heavy plutôt convenu. Bon, mais pas transcendant. Nul doute que selon votre niveau de fanatisme, l’album récoltera un demi-point de plus ou de moins. Nous choisissons donc de couper la poire en deux.

13.12.20 21:34

BEARINGS - "Hello, it’s you"

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Commençons par une digression : l’artwork est absolument magnifique. Onirique, surréaliste, pastel… Il fait forte impression. Et on se demande si ce n’est pas pour cela que le quintet l’a choisi, plus que pour « illustrer » leur musique. Quiconque suit mes chroniques depuis un moment sait que je ne porte pas le pop-punk dans mon cœur : le genre me parait souvent trop creux et superficiel, parlant de problèmes un peu légers, bien que très humains. Un plaisir coupable m’anime quant aux groupes plus hargneux, plus axés sur la crise d’adolescence que les déceptions amoureuses… et encore plus pour les groupes qui ne se prennent pas au sérieux et qui peuvent faire un titre prônant leur fanatisme envers une personnalité ou exprimant une galère du quotidien (quand ce n’est pas une simple invitation à boire comme un trou et faire la fête). Malheureusement pour moi, Bearings se situe plutôt dans la catégorie mièvre… Nul doute que cela plaira à toute une tranche d’aficionados, mais voir une bonne moitié des morceaux traitants d’amours imparfaits, perdus ou déplorables, fini par être lassant, surtout lorsque les paroles ne se démarquent pas de celles de la palanquée de groupes du même acabit. C’est nettement cynique, mais aborder ses expériences passées est une solution de facilité, certes qui marche toujours bien, mais qui témoigne d’un certain défaut d’inventivité. Rassurez-vous cependant, il s’agit en fait de l’unique critique réellement négative (et encore, fortement subjective) de l’album. Certes, il manque un peu de peps, mais cela ne semble pas être la dynamique poursuivie non plus. Il fait le café, clairement, et les instrumentales, bien que sans véritable éclat non plus, sont tout à fait correctes. Votre avis dépendra donc grandement de ce que vous recherchez : les jeunes adultes languissants de leurs années lycée y retrouveront sûrement de très bons souvenirs. Les autres se diront qu’il s’agit « juste d’un album de plus ». Agréable en écoute passive, sympa au milieu d’une playlist, mais assez oubliable en dehors peut-être des fans les plus chevronnés.

Les albums live qui paraissent par pelletées ces derniers temps témoignent bien du vide laissé par l’absence totale de concerts depuis bientôt un an. Quel plaisir (et quelle nostalgie !) de se replonger dans l’ambiance électrique et torride d’une salle obscure secouée par les assauts sonores amplifiés et les hurlements de la foule ! Ce nouvel album en public des vétérans canadiens de Voivod ne fait pas exception, et il nous propulse au cœur du show donné par le groupe à domicile, au Festival d’été de Québec en juillet 2019. Les morceaux sont introduits par le chanteur Snake en français, avec un délicieux accent musical, et dressent un panorama forcément incomplet de la carrière de ce groupe hors-norme. Voivod œuvre dans un thrash metal avec des relents punk, et surtout progressifs comme l’atteste la majorité de la setlist du soir. La moitié de celle-ci est constituée de titres extraits des récents « Post society » (EP, 2016) et « The Wake » (2018), les deux seuls enregistrés avec le line-up actuel ; l’autre moitié pioche dans les sept premiers albums du combo publiés entre 1984 et 1993. De cette succession de déflagrations speed et complexes se dégage une atmosphère postapocalyptique, sombre et dissonante. L’ensemble est très compact et homogène, mais on retiendra le plus rock et dansant « The prow », la reprise spatiale de Pink Floyd « Astronomy domine » et l’hymne punk final « Voivod » (dédié au guitariste Piggy, fondateur du groupe décédé en 2005). La qualité du son permet de bien saisir toutes les nuances dans le jeu des trois musiciens virtuoses (mention spéciale au gratteux Chewy !), la versatilité du chant qui peut évoquer un Johnny Rotten qui se mettrait à faire des vocalises, et l’enthousiasme d’un public qu’on devine remuant. On ferme les yeux, et on y est ! Mais si on les garde ouverts, on pourra apprécier la beauté et la bizarrerie de la pochette, réalisée comme toujours par le batteur Away. En attendant le prochain album studio…

Vous en avez assez d’enrichir la Iron Maiden Companie en achetant à intervalle régulier les albums live de la Vierge de Fer ? Vous adorez Bruce, Steve et leurs camarades, mais bon, vous saturez de voir vos économies servir à leur payer de belles vacances ensoleillées ? Vous avez donc décidé de boycotter « Nights Of The Dead » et sa tracklist sans originalité ! Pour dépenser les euros ainsi épargnés, précipitez-vous sur le « Live In Europe » d’Absolva, anciennement Fury UK !

Enregistré à travers l’Europe, mais en grande partie en France, au British Steel de Vouziers, ce disque respire la sueur des petites salles, l’énergie des concerts où le public est à moins d’un mètre des musiciens. Les Anglais avalent les kilomètres, ne craignent pas de jouer dans un modeste café concert — je me souviens les avoir vus à Arras, au Blue Devil’s, paix à son âme — n’hésitent pas à se donner à fond, dans des shows de deux heures, même quand la salle est loin d’être pleine. 

Habitués à accompagner Blaze Bayley, avec un bassiste membre d’Iced Earth, les Mancuniens œuvrent dans un heavy de tradition, certifié « made in England » — « Maiden England » ? Les dix morceaux de « Live In Europe », mélodiques et énergiques, marqués par des cavalcades de guitares, des soli aux petits oignons, des refrains aussi simples qu’efficaces et une armature rythmique en béton, évoquent bien souvent… Maiden, à l’image de « Rise Again » ! Mieux, le chanteur n’hésite pas à lancer des « Scream for me, British Steel » : le groupe, qui reprend régulièrement « Fear Of the Dark » sur scène, assume sa filiation !

Et dire qu’on s’amusait du dernier opus de San Leo et de ses deux titres de plus de vingt minutes… Je pense qu’on ne fera pas plus outrancier que le morceau unique de Shores of Null (à moins de caser l’intégralité d’une discographie sur un seul et unique disque ?). Trêve de plaisanteries nulles, il s’en passe des choses tout du long de ces 38 minutes, qui prennent par moment des relents de black ou même de grunge ! Passant du chant growlé au chant clair, de mélodies lancinantes et calmes à des pics de vitesse et de force. Il paraît délicat de vous spécifier des extraits de l’album autrement que par « début, milieu, fin », alors retenez que le morceau est d’un équilibre effarant. Avec une telle durée, il aurait été aisé de craindre quelque chose d’interminable, de long ou de lent… Ou peut-être au contraire, un titre partant dans tous les sens, ne sachant pas où il va et finissant par perdre l’auditeur. Il n’en est rien. C’est un travail méticuleux que propose le quintet. Chaque passage est à sa place et si certains éléments reviennent périodiquement, c’est toujours à bon escient et au bon moment. Rien ne paraît décousu ou répétitif. Et s’il est amusant de parler de « moment préféré » pour qualifier ce genre de morceau très long, cela semble presque malvenu ici (comme pour San Leo, encore une fois) : couper dans le lard pour avoir plusieurs morceaux liés entre eux n’aurait que peu d’intérêt, précisément à cause de ces passages répétés, mais aussi de la progression cohérente et naturelle du titre. Oui, c’est long, oui c’est un format peu commun… Mais on ne le verrait pas fait d’une quelconque autre manière. Un bel exercice de style, qui se démarque des deux précédents albums du groupe, au format plus classique… mais à la musique tout aussi sublime et sombre. Lors d’une précédente chronique, je plaisantais sur l’attrait apparent de l’Italie pour la musique progressive, où les instruments et l’atmosphère ont la part belle (post-rock, psyché, doom…), et ce n’est pas Shores of Null qui me persuadera du contraire. On ne s’en plaindra certainement pas : le résultat n’est pas des plus accessibles, mais il frappe directement nos sentiments de manière presque primale. À écouter au casque et au clame !

Déjà évoqué dans deux précédentes chroniques, le label M&O Music nous enthousiasme de plus en plus avec ses groupes créatifs et originaux. Cette fois-ci au programme : un curieux mélange psyché/folk qui attise forcément l’attention. Je l’avoue : j’ai un faible pour les singularités, surtout quand le bilan vient estomper d’éventuelles craintes d’un résultat bancal ou trop étrange pour son propre bien (ou pire encore : quand on tente un fourre-tout visant à appâter tout le monde). Ceci étant dit, où est le psyché, où est le folk rock ? Et bien sans exagération : ça se retrouve un peu sur chacun des sept titres, qui déploient malgré tout des atmosphères originales. Le titre « Constellations » est légèrement plus pêchu, alors que le morceau « Love and the Moon » sent bon le soleil et les vacances… quoi de plus approprié avec le froid approchant ? Tandis que « Toward Glastonburry » martèle son identité folk avec vigueur, « Epipsychidion » (à vos souhaits) ressemble à un voyage onirique. Ils ne nous mentaient pas en évoquant leurs inspirations poétiques et le spleen animant leur musique, d’ailleurs pour l’anecdote, le nom du groupe provient du poète anglais « Percy Bysshe Shelley »… Ce n’est pas une mouvance que l’on retrouve chez tous les groupes ! Mais le résultat est saisissant et envoûtant, et c’est même rassurant de voir que la chanson peut encore être tout simplement… belle. Pas forcément triste, énervée, revendicatrice ou raconteuse de vie. Il y a encore des titres magnifiques de façon intrinsèque, sans devoir passer par le full instrumental pour forcer les gens à se déconnecter et à écouter. Nul doute que le duo de voix aura, en ce sens, joué un grand rôle. Ils mettent déjà la barre bien haut avec seulement deux albums… Hâte de voir où leurs idées les mèneront ensuite.

10.12.20 14:42

VESTA - "Odyssey"

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L’une des grandes découvertes de 2020 pour votre serviteur, c’est clairement la scène post-rock italienne. Elle est d’une jeunesse vigoureuse, d’une pluralité riche et d’une poésie très plaisante. Pour Vesta, il s’agit déjà de leur deuxième opus, et il donne très envie de redécouvrir le premier. Comme il est de rigueur dans le style, le groupe déploie des mélodies très hétérogènes sur chaque morceau, qui pourtant se montrent lancinantes, répétitives… et par là même, envoutantes dans leurs motifs, leurs patterns. Dans la quête toujours plus fascinante d’expérimentation, également caractéristique de tous les genres en « post… », on trouvera ici une place assez importante de la basse par exemple, en attestent des titres comme « Breach » ou « Borealis ». On saluera aussi le côté plus lourd, plus franc des instruments que dans nombre d’offres du style (d’où le sobriquet de « post-metal », lui collant finalement assez bien). Très atmosphérique, très polymorphe et proposant un cran de puissance, de vitalité sans être brutale ou violente.  Ce sont peut-être ces morceaux moins électroniques, plus « durs », plus « metal » qui pourront plaire à une audience moins habituée… Tout en ne perdant pas ceux qui apprécient être transportés par la douceur des rythmes de « Tumae » ou « Supernova ». Une excellente pioche, pour un tout aussi remarquable exemple du savoir-faire italien en la matière.

Après la réédition de « Overkill » et de « Bomber » l’année dernière, le groupe qui détient sûrement le record de décibels nous offre un coffret commémoratif des 40 ans de la sortie du célèbre album « Ace of Spades ». Sorti pour la première fois le 8 novembre 1980, le quatrième album du trio british concentre le meilleur du hard rock, du heavy metal et du punk. Concernant cette édition collector, elle comprend un vinyle deluxe, un DVD des apparitions TV rares ou perdues du groupe, des versions instrumentales (démos) et des versions alternatives ainsi que de nombreux goodies, dont un livre contenant des photos et des interviews retraçant l’histoire de l’album. Mais également, deux concerts complets et notamment celui de leur passage au Parc des Expositions d’Orléans datant du 5 mars 1981. En résumé, on y retrouve pas loin de 70 morceaux dont 42 inédits : parmi eux « (We are) The Road Crew » dédié à l’équipe technique de Lemmy, Eddie et Phil ; mais surtout, et avant tout, la mythique chanson éponyme devenue un hymne fédérateur au cours de ces quatre dernières décennies (le nombre de groupes qui ont fait le pari de la réinterpréter atteste de façon indéniable cette affirmation). Sans surprise et comme ils le disaient si bien : "We are Motörhead and we play rock’n’roll !"

02.12.20 19:08

SAN LEO - "Mantracore"

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Alors qu’une précédente chronique s’amusait de la nécessité des fans de prog à citer des PASSAGES favoris plutôt que des titres, San Leo ne facilite absolument pas la tâche. Deux titres seulement, chacun de plus de vingt minutes, et croyez bien qu’il s’en passe des choses en autant de temps, confirmant une fois encore le côté très « fourre-tout » du genre post-rock (et l’amour passionnel qui l’unit à l’Italie, accessoirement). Le duo, qui se réinvente beaucoup au gré des albums, nous propose ici une musique moins riche que complète (les deux n’étant pas mutuellement exclusifs, loin de là). On croirait presque qu’ils aient voulu jongler avec tous les codes : entre des rythmes mystiques presque tribaux mêlés à des riffs violents, au formidable travail sur les percussions et ce côté éthéré si cher à ce genre des plus planants… Il y a beaucoup de matière. Plusieurs fois, on s’attend à ce que le morceau s’arrête… Alors qu’il reste en fait encore quinze, douze, dix minutes d’une véritable expérience sonore quasi-synesthésique. S’il n’est pas rare de se projeter images et scénario en présence de musique, la grande force de San Leo est de nous permettre d’imaginer un film entier, avec ses hauts et ses bas, ses accalmies et ses moments culminants. On aurait sans doute pu diviser, fractionner les deux titres comme pour « compartimenter » leurs temps forts, les réécouter indépendamment voire les réarranger. Mais cela aurait finalement autant de sens que de changer l’ordre des scènes d’un film : pour un résultat tantôt amusant, tantôt surprenant… Cela n’aurait jamais autant de saveur que de l’expérimenter de la façon dont l’auteur l’a voulu. Et en tant que telle, plus encore que d’habitude, une oreille active et immersive est une nécessité. Nul doute que ça n’en fait pas l’album le plus facile à écouter en boucle, ou même le plus radiophonique. Mais comme toute expérience un peu à part, un peu « englobante » voire « envahissante », elle mérite une attention particulière… que l’on appréciera revivre après l’avoir laissé décanter un petit peu !

27.11.20 17:54

GODSNAKE - "Poison Thorn"

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Du thrash light, du metal sans caféine, saupoudré d’une pincée de groove Canderel, tel est le goût de ce premier album de Godsnake. Les Allemands, certes loin d’être maladroits, offrent des compositions qui lorgnent vers Metallica — la voix du chanteur évoque celle de James H., certains riffs (sur "You Gotta Pray" ou "Blood Brotherhood") semblent importés directement de San Francisco — vers la scène death mélodique de Göteborg, In flames en tête ("Sound of The Broken") ou vers Pantera ("This is The End", ultime et sans doute meilleur morceau du disque). De belles influences assurément, mais qui ne sont pas digérées, juste copiées. L’ensemble est de plus excessivement mélodique, sans feu ni fougue. "Poison Thorn" est ainsi un recueil de chansons certes pas désagréables, mais sans réelle saveur.