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14.05.22 19:47

PRINCE DADDY & THE HYENA - "Prince Daddy & The Hyena"

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À bien des égards, cet album ne devrait pas me toucher autant. Je ne peux pas dire être gros client de ce type de rock introspectif, triste et déprimant. Non pas que ce genre de texte soit chiant, inintéressant ou manquant de richesse, loin de là. Simplement, je préfère voir ces émotions gueulées par un crêteux, ou noyées sous les nappes d’un synthé bien froid et gothique. En matière de rock, je dois bien le dire, ce qui m’émoustille c’est plutôt des rythmiques qui donnent envie de tout casser, des bridges pompeux et de la disto exagérée. Tout le contraire de la douceur désenchantée de Kory Gregory, chanteur et tête pensante du projet. Et pourtant…

Si stylistiquement, on reste sur quelque chose de plutôt sobre et classique, tout l’apparat autour de l’album est assez singulier. La pochette est une photo du cousin du chanteur, ce genre d'images innocentes qui pourtant effraie. Ce noir et blanc semblant faire perdre l’image dans les limbes du temps, et ce déguisement de clown faisant frémir bien des gens à la simple idée de découvrir ce visage maquillé dans un magasin de disque (ou une miniature YouTube, on reste en 2022 hein). La durée des morceaux est très variable : cela va d’une petite minute et demie à plus de huit minutes, en passant par des durées plus usuelles. Les textes sont tantôt crus et outranciers, en atteste un « Jesus Fucking Christ » par exemple. Tantôt, ils font preuve d’une candeur presque juvénile, d’une fragilité émouvante. Mais la vaste majorité de la galette lorgne plutôt du côté du rock léger, un peu punky et ensoleillé du début des années 2000. Ou bien vers ce « rock à road trip et barbecues » que j’évoquais pour le dernier-né des Skeggs. Une description très floue, mais qui signifie, à peu de choses près, que les chansons mettent du baume au cœur, rappelle des jours meilleurs passés entre amis, et quelques souvenirs pas forcément grandioses, mais juste très agréables.

Il est maintenant temps de parler du gros événement ayant influencé la gestation de ce projet : l’accident du chanteur. Un carambolage routier dans lequel il a failli mourir. La source de bien des tourments et d’une fameuse remise en question. Les plus cyniques pourraient questionner le besoin de mentionner un tel trauma dans la promo d’un album, s’il s’agit d’une façon de jouer sur la corde sensible pour mieux le vendre. J’ai envie de croire le contraire, qu’il s’agit plutôt d’une clé de compréhension, d’une mise en perspective. Et surtout : d’une profonde mise à nu. Si l’on peut se demander si un intitulé comme « In Just One Piece » est une touche d’humour noir ou une thématique toute différente, le trio final ne laisse que peu de place au doute : minimalistes, intimistes et tristes, ils ferment l’album de fort belle manière. À la première écoute, je me suis vu froncé les sourcils en découvrant « Baby Blue » après « Black Mold », tant ce dernier et ses presque NEUF minutes m’ont charmée de leur puissance évocatrice. Mais le choix de setlist paraît plus judicieux si l’on perçoit « Baby Blue » comme un épilogue, et « Discount Assisted Living » comme le prélude de cette fin en apothéose. Mais que vous choisissiez de croire que Black Mold est la vraie fin ou non, j’imagine que beaucoup seront d’accord pour dire qu’il s’agit du titre le plus impressionnant, fort et travaillé de l’opus. Une merveille, et sans doute celui que je retiendrai le plus une fois cette chronique refermée.

Alors certes, tout le monde n’est pas client de « journaux intimes musicaux », moi le premier. Et si la plupart des titres sont bons, avec une bonne petite patate et la perspective de souvenirs d’insouciance… Leur sincérité est peut-être aussi leur point faible, car un peu trop lisse dans leur construction. Mais c’est un album touchant, et rien que pour « Black Mold » en clôture, le périple vaut grave la peine d’être parcouru une fois.

Informations supplémentaires

  • Points: 4/5
  • Genre: Indie Rock
  • Pays: USA
  • Maison de disque: Pure Noise Records
  • Date de sortie: 15.04.22
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Ale