14.11.21 13:34

15-16.10.21 - Omega Sound Festival

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Heureux qui, après des mois confinés et sevrés de concerts, prennent la route cap vers l’ouest jusqu’au confluent de la Maine et de la Loire ! Mais du balai Du Bellay, point de douceur angevine ici, car ce beau week-end d’octobre accueille une horde d’énervés qui ont dû lire en anglais le nom de la ville voisine : ANGERS, « haines » dans la langue de Shakespeare.

L’OMEGA SOUND festival est une nouvelle création, dont la première édition devait avoir lieu en novembre 2020, mais a été annulée pour les raisons qu’on sait et qu’on en a marre. Organisé par les associations AMC prod et CROM (pour « Chevelus Rassemblés pour Orgie Métallique » !) à l’Espace Jean Carmet de la petite ville de Mûrs-Erigné, il prend la suite du MEGASOUND festival qui avait réuni en 2009 la crème de la scène française : Bukowski, les Ramoneurs de menhirs, Dagoba, Tagada Jones, No one is innocent, Ultra vomit entre autres.

CROM avait déjà organisé auparavant des concerts metal à Angers, puis les tremplins « Angers likes Metal » qui permettent aux groupes locaux de se produire sur scène et dont les finalistes jouent au festival d’ailleurs.

Cette affiche 2021 est finalement assez différente de celle annoncée pour 2020 : demeurent Black Bomb A, Sidilarsen, Smash Hit Combo, ainsi que les régionaux Arcania, Grand Master Krang et Nervous decay, mais pas de Benighted, Sales Majestés, Lofofora et Fatals Picards. A la place, on a droit à The Great Old Ones, Blackrain, Betraying the martyrs, Tagada Jones et les grecs de Rotting Christ, seul groupe non français à l’affiche.

Les deux assos ont fait les choses très bien pour pérenniser le festival, avec un logo et des visuels soignés, ainsi qu’une exposition dans la médiathèque voisine de la salle. Cet événement, intitulé « Contraste – Plongeons dans les arts sombres », met en lumière six artistes peintres, illustrateurs, plasticiens ou photographes affiliés à la scène metal. Superbe initiative qui prolonge l’expérience du festival pendant trois semaines, les six artistes étant présents le samedi pour des dédicaces et échanges.

Au niveau des installations, l’Espace Jean Carmet est une salle de taille moyenne, que les organisateurs ont eu la bonne idée de prolonger avec un espace extérieur dans lequel on trouve un bar supplémentaire et des stands de restauration ainsi que des tables. Une impression d’open air en automne !

Les groupes se succèdent sur la scène avec une vingtaine de minutes entre chaque groupe, devant un public démasqué qui (moyennant un Pass sanitaire valide) retrouve le temps de quelques heures le monde d’avant, celui de la fraternité metal vécue sans distanciation sociale.

VENDREDI 15 OCTOBRE

SIDILARSEN (21 h 30 – 22 h 30)

On a raté les deux premiers concerts, ceux de Grand Master Krang (thrash crossover d’Angers) et Smash Hit Combo (rap metal alsacien), mais le public répond présent pour Sidilarsen, groupe toulousain de metal indus engagé dont les dernières sorties ont marqué les esprits. Un set très énergique appuyé sur deux écrans en fond de scène qui diffusent des images et des textes raccord avec la musique à la fois brutale et dansante du combo. Les deux vocalistes se donnent la réplique et mènent la troupe. On retient de cette heure de concert l’enthousiasme des musiciens, heureux de retrouver la scène : leur classique « Comme on vibre » met le public en transe avec un son proche des premiers Mass Hysteria, tandis que l’hymne final « Des milliards » est repris par la foule et poursuivi après la fin du morceau. Sur cette chanson d’ailleurs, le chanteur Didou fait s’asseoir le public qui s’exécute rapidement, avant de sauter comme un seul homme. Gimmick maintenant peu original mais qui fait toujours son petit effet ! En somme, une prestation remarquable servie par un très bon son.

BLACK BOMB A (22 h 55 – 23 h 55)

Changement de registre avec Black Bomb A, qui balance son hardcore / groove metal et laisse peu de répit au public. La frappe du batteur Hervé Coquerel (également membre des parrains du death français Loudblast) propulse la décharge de violence, avec le duel des deux chanteurs Arno (voix gutturale) et Poun (voix criée aiguë). Le premier arrive sur la scène avant les autres et blague avec le public, alors que le second commence le concert encagoulé et dévoile son sourire béat constant dès le deuxième morceau. Amusant d’ailleurs de voir le contraste entre les deux hurleurs à la banane et les deux gratteux qui tirent une tronche badass pas commode à la Kerry King. L’énergie impressionnante déployée par les cinq types sauteurs donne une irrésistible envie de bouger, même si la mélodie est plutôt absente du tableau : dans le public, ça headbangue, ça saute, ça chante (sur « Mary », leur hymne à eux), ça slamme, et ça finit même en wall of death ! On partage sa sueur, et diable que ça fait du bien ! Quand le son s’éteint et que le public se dirige les yeux hagards vers les bars, on entend ce commentaire éclairé : « ça commence à sentir le fennec ! ». Bien analysé, camarade, et sacré défouloir.

TAGADA JONES (0 h 20 – 1 h 30)

Les Rennais sont en tête d’affiche du jour, et ont soigné leur décor de scène : des barils enflammés reprenant les lettres du nom du groupe « TGD JNS » sont positionnés devant un grand backdrop avec le logo de la bande. Les punks font une entrée fracassante sur la scène en jouant le premier morceau éponyme de leur dernier album en date, « A feu et à sang », dont la sortie remonte à octobre 2020. La setlist fait d’ailleurs la part belle à cette dernière livraison avec pas moins de six morceaux, soit presque la moitié des titres interprétés ce soir. Voilà une constante chez Tagada, qui met toujours très en avant son dernier opus, quitte à laisser perplexe une partie du public peu familière avec la nouveauté (on entend d’ailleurs un voisin de foule s’écrier : « Ah ça c’est du vrai Tagada » quand résonnent les premières secondes de « Cargo », presque le seul titre pré-2014). Il faut toutefois reconnaître que les torpilles de la cuvée 2020 sont excellentes et très variées, du punk à roulettes « Elle ne voulait pas » à l’indus heavy « Le dernier baril » en passant par le mélodique et émouvant « de rires et de larmes ». On retiendra aussi de ce show le ministryen « La peste et le choléra », la reprise de Parabellum « Cayenne » en hommage aux membres de ce groupe partis trop tôt, et le punk revendicateur et nostalgique « Mort aux cons », hymne final qui referme un gig hyper énergique mais desservi par un son trop fort et sale. Quel dommage de ne pas entendre les chœurs de Stef et Waner qui s’époumonent pour soutenir le chant de Niko, leader évident ! Au final, c’est donc sur une impression mitigée que s’achève cette première soirée de festival, Tagada Jones ayant produit une setlist courageuse mais laissant une partie du public sur la touche, d’autant que le son ne permettait pas d’apprécier à leur juste valeur des morceaux inconnus. La folie à laquelle on s’attendait a pété sur Black Bomb A, mais a attendu les deux derniers morceaux de Tagada Jones pour éclater réellement. Pas grave, les quatre coreux se montrent chaleureux au moment de quitter la scène, le batteur Job restant même faire des blagues pour ponctuer le discours de Camilo, représentant de CROM qui vient remercier le public et promettre une nouvelle édition en 2022. Tant mieux, mais il reste une journée en 2021, à demain !

SAMEDI 16 OCTOBRE

ARCANIA (19 h 10 – 19 h 45)

En ce deuxième jour de festival, nous ratons le premier groupe Nervous Decay, death metalleux de Nantes, pour cause d’interviews (présentes en ces pages), et la soirée commence avec les angevins d’Arcania. Le quatuor local propose un thrash d’école mélodique et technique, pouvant rappeler les travaux de Testament. Les morceaux speed succèdent aux titres mid-tempo, avec quelques incursions plus atmosphériques voire post. Le chanteur Cyril Peglion (sosie de Pepper Keenan de COC, si si !) montre une certaine classe (même face aux traditionnels « À poil ! » du public un brin taquin) et un chant assuré dans un registre mélodique autant que rageur, tandis que le guitariste Niko Beleg impressionne par ses soli fluides et inventifs. Les deux derniers morceaux joués méritent les éloges : le premier, forcément récent, est introduit par un discours de confinement du président Macron et un détournement de la Marseillaise, et le second « No end » est très prenant et varié avec ses accélérations black. Le combo est soutenu par ses amis venus en nombre, qui lancent même un circle pit, léger mais énergique. Solide et convaincant.

BLACKRAIN (20 h 00 – 21 h 00)

En cette journée typée metal extrême, les savoyards de Blackrain paraissent un peu en décalage avec leur hard rock mélodique (on pourrait aussi dire sleaze ou FM) et leur look plus exubérant que leurs camarades de jeu. Mais le groupe sait y faire pour fédérer et faire bouger un public qui ne le connaît pas forcément : chaque morceau est un tube potentiel, et que ça fait gueuler chaque côté de la salle pour voir qui hurle le plus fort, et que ça sollicite des « hey hey hey » (sur leur classique « Rock your city »), et que ça sourit en continu, et que ça communique avec les membres de l’assistance. Le groupe met en avant son dernier album en date, « Dying breed » (2019), mais aussi des titres issus de toute sa carrière de 20 ans. On peut d’ailleurs constater l’évolution du look des quatre musiciens, bien moins sophistiqué qu’il y a une dizaine d’années, plus dans le trip biker dorénavant que hair metal androgyne. Autrefois très influencés par Mötley Crüe, comme l’atteste la voix à la Vince Neil du chanteur / leader Swan, les morceaux ont pour dénominateur commun d’envoyer un bon hard rock n’ roll groovy et facile à chanter, comme l’ACDCien « Blast me up », le speed « Overloaded » ou le radiophonique « Rock my funeral ». Les soli du guitariste Max sont gorgés de feeling, et il se montre comme ses compères très mobiles, donnant à cette heure de concert des airs de fête. Blackrain parvient à faire chanter toute la salle avec sa reprise très efficace du « We’re not gonna take it » de Twisted Sister, entonnée par le bassiste Matt. Première grosse claque du jour, merci messieurs !

BETRAYING THE MARTYRS (21 h 20 – 22 h 20)

Changement de registre avec les parisiens de Betraying The Martyrs, qui vivent ce soir un moment important de leur histoire. Le groupe, qui avait déjà accusé le coup en perdant tout son matos dans un incendie lors d’une tournée californienne en juillet 2019, puis avait subi (comme tout le monde) le confinement de 2020 après la tournée en support à « Rapture » (2019), a encaissé le départ de son chanteur emblématique Aaron Matts, annoncé début 2021. Cette date unique de l’année est donc l’occasion de présenter leur nouveau chanteur, Rui Martins, dont le nom n’a été dévoilé que deux jours avant le show, en même temps que la vidéo du nouveau titre « Black hole ». Nous vous invitons à lire l’interview en ces pages pour en savoir plus sur la période de préparation de ce grand retour… Car grand retour il y a ! Dès le début du concert, la folie est présente autant sur scène que dans la fosse : le metalcore du combo évite les écueils inhérents à ce genre, et joue la carte de l’énergie et de l’intensité. Le nouveau frontman est tout de suite adopté, montrant qu’il peut tenir la scène et growler comme son prédécesseur, et il aspire tous les regards, autant que Victor Guillet qui se charge des parties de chant mélodiques et headbangue derrière ses claviers, quand il ne saute pas comme un damné avec son instrument en bandoulière. C’est lui qui s’adresse au public pour dire l’importance de cette soirée pour le groupe, Rui ne parlant pas français (ce dernier glisse d’ailleurs à l’assistance que, si les autres membres disent du mal de lui, il faut le prévenir !). C’est lui aussi qui, sourire débordant de sincérité accroché au visage, se jette dans la foule à plusieurs reprises. Et dans la foule, impossible de résister à la puissance du metal technique mais très accrocheur de la bande : les furieux sont de sortie et ça se lâche à fond, avec des circle pits, des walls of death, des pogos. Le public saute et headbangue comme un seul homme. Quelques titres de morceaux ressortent du lot, comme le génial « Lost for words », « Parasite », « Imagine » (joué pour la toute première fois) et le susnommé et bien né « Black Hole », mais qu’importent les chansons, la musique de BTM est homogène et s’avère une véritable démonstration de maîtrise et de puissance… qui se termine par un bizutage en règle du petit nouveau avec une bouteille de Jägermeister apportée sur scène par le manager du groupe. Bienvenue, Rui ! 

ROTTING CHRIST (22 h 45 – 0 h 00)

Après ces deux gros cartons, pas facile de se mettre dans l’ambiance pour la fin de la soirée sous le signe d’un black metal plus contemplatif et mid tempo. Bon, Rotting Christ, c’est quand même le seul groupe international à l’affiche, et un groupe qui assume une carrière de trente ans et une place honorable dans l’histoire de la deuxième génération du black. Les Grecs bénéficient de lumières soignées, dans les tons bleus, et la pénombre sur scène ne laisse entrevoir que rarement leur superbe backdrop représentant la pochette de leur dernier rejeton,«The Heretics»(2019). Le leader Sakis Tolis (au chant et à la guitare) et son frangin Themis (à la batterie) mènent la barque de Charon, installant une ambiance grandiloquente et occulte, avec des références claires à l’illustre histoire de leur pays d’origine. Le propos est généralement plutôt lent, même si quelques accélérations et blast-beats surgissent parfois entre les incantations spartiates à trois voix. A droite et à gauche de la scène, George Emmanuel et Vangelis Karzis restent statiques mais font tournoyer leur longue chevelure, ce qui constituera la principale attraction visuelle de cette cérémonie païenne. Côté setlist, le groupe pioche dans toute sa longue carrière, mettant l’accent sur ses dernières productions… mais pas de nouveauté, un futur album n’étant pas prévu pour l’instant. Le public est tout acquis à la cause des Hellènes, et réclame un rappel après leur sortie de scène… qu’il n’obtiendra pas.

THE GREAT OLD ONES (0 h 35 – 1 h 35)

A cette heure avancée de la nuit, les rangs se clairsèment face à la scène, mais les courageux encore présents vont pouvoir prolonger l’expérience mystique Black Metal avec un fier représentant du genre français, The Great Old Ones. Ce groupe bordelais existant depuis une dizaine d’années tire son nom, son concept visuel et ses textes de l’univers de l’écrivain américain H. P. Lovecraft. Tout est fait pour installer une ambiance hostile et malsaine dans l’Espace Jean Carmet : backdrops représentant des créatures lovecraftiennes, pieds de micros métalliques illustrant une tête de pieuvre nommée Cthulhu, costumes (chaque musicien porte une robe de bure avec large capuche) qui maintiennent l’anonymat, aucune communication avec le public à l’exception de discrets « horns » entre les morceaux. La musique du collectif est hypnotique, avec de longs passages post metal, mais aussi des déflagrations black brumeuses d’obédience norvégienne. Alors que nos forces nous abandonnent, on peut ressentir face à ces Grands Anciens cette sidération que Gojira inspire aussi sur scène, dans un autre registre : un monstre effroyable se meut devant nous, créature sonique autant que physique, et nous ne pouvons que rester médusés. Une expérience saisissante, qui vient achever un jour 2 éclectique, et un festival qui a tenu toutes ses promesses. Longue vie à L'Oméga Sound !

Merci à Alexandre Saba, Camilo et toute l’équipe du festival.

 

Informations supplémentaires

  • Ville: Mûrs-Erigné
  • Pays2: France
Lu 1167 fois Dernière modification le 14.11.21 13:41