24.04.21 08:08

S.H.I. - "4 死 Death"

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Comme bien des passions, on dira de la musique qu’elle doit (généralement du moins !) rester un plaisir. Cela se manifeste de plusieurs façons : la sensation de nostalgie en retombant sur un album oublié, la joie teintée de gourmandise de découvrir un artiste à la carrière bien remplie, l’extase de retrouver un artiste aimé qui s’était « perdu » dans des expérimentations pas toujours à notre goût… ou encore la sensation de trouver une mine d’or en mettant à vif une scène qui nous était jusqu’alors inconnue. On peut dire que S.H.I. (pour « Struggling Harsh Immortals », on aime les noms japonais !) s’inscrit totalement là-dedans, à des degrés différents, mais tous décuplant le plaisir d’écoute. Les critères ne paraissent pas cumulatifs ? Détrompez-vous. Certes, la sensation de nostalgie est « factice », puisque je découvre totalement le travail de longue haleine de Cherry Nishida, débuté lors des années 80. Mais assurément, il faut avoir été punk aux grandes heures du punk pour pouvoir faire du punk. Cet album nous le prouve amplement : rarement entendu un opus récent d’aussi grande qualité et paraissant saisir à ce point l’essence de la musique. Ce qui ne signifie pas qu’il ne s’agisse que d’une resaucée peu inspirée, voire larmoyante sur un passé doré en mode « c’était mieux avant ». Au contraire, l’artiste insuffle quelques bonnes idées, héritées de la noise (pour le côté plus tradi) et de l’indus (pour le côté plus novateur). Et que c’est bon ! Un titre comme « Terminus » ou « Hell Bounded Heart » perd sans doute de l’humour et de l’accessibilité du pop punk, mais on y gagne en force d’impact. Si l’on comprend la tournure plus radiophonique prise par le genre à la charnière 90s/2000s, on aurait aimé que davantage de groupes gardent d’autres relents des 90s (grunge, indus, hip-hop… why not ?). Et pour ceux qui veulent des morceaux plus classiques du genre, « Casualty Vampire » et « Theme 2 » sauront assouvir votre soif de gros titres à pogo, avec de la disto à gogo. Au passage, saluons ces titres de morceaux, sonnant comme des attaques de J-RPG… ou des noms de J-RPG tout court ! C’est anecdotique, sans doute même de quoi rendre perplexe les artistes derrière ces titres, mais de mon regard occidental, cette faculté à rendre épique des tournures pourtant un peu kitsch fait sourire. Quid des deux autres « plaisirs » que j’évoquais plus haut ? Ils ne sont pas en reste : S.H.I. n’a encore que peu de matière à son actif depuis sa création il y a une petite dizaine d’années, mais le sieur Nishida n’en est pas à son coup d’essai : le label ressort ainsi son travail avec ZOUO, et c’est sans mentionner « Danse Macabre » ou « Nankai Hawkwind ». Jamais des groupes à la longévité impressionnante, et dont la musique est difficile à trouver chez nous, mais autant de bonnes raisons de jouer les spéléologues. Enfin, quant au fait de retrouver un artiste aimé qui se serait perdu en expérimentation… OK, ce n’est pas vraiment le cas ici. On a plutôt à faire à un artiste discret, polymorphe et méconnu. Mais si vous devez retenir une chose de cette longue chronique qui part dans tous les sens, c’est qu’il faut vite checker autant la carrière de ces keupons japonais, dont la scène est décidément trop injustement boudée alors qu’elle est d’une richesse insolente, que ce nouvel album du dernier-né de Cherry Nishida. C’est puissant, c’est rythmé, ce n’est pas trop verbeux mais avec un chant bien gras et grave, et ça s’acoquine de quelques fantaisies jamais gadgets, qui rajoutent au contraire des éléments propres à S.H.I. tout en ne devenant pas une bouillie incohérente. Du grand art, et bravo aux punks du Japon !

Informations supplémentaires

  • Points: 4.5/5
  • Genre: Punk Rock
  • Pays: Japon
  • Maison de disque: Relapse Records
  • Date de sortie: 23.04.21
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Ale